Dans l’attente de déclarations précises du ministère de la Santé, les spéculations vont bon train au sein du corps médical. Le point sur les zones d’ombre soulevées.

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La campagne de vaccination contre la grippe saisonnière bat son plein et le ministère de la Santé a annoncé, tambour battant, l’achat de vaccins pour 350 millions de dirhams étalé sur trois ans. Un montant jugé exorbitant par les professionnels de la santé. D’autant que la grippe saisonnière ne figure pas parmi les priorités de la stratégie nationale 2008-2012. Celle-ci avait identifié six maladies cibles, comme l’hépatite C qui affecte 400 000 personnes ou la tuberculose qui fait quelque 30 000 nouvelles victimes chaque année au Maroc.

En nette recrudescence, la tuberculose, maladie contagieuse, fait pourtant l’objet d’une vigilance particulière à l’échelle internationale. Mais selon des médecins de famille, le ministère de la Santé n’a déployé aucun moyen supplémentaire. Ni pour sensibiliser ni pour suivre la population à risque qui continue de privilégier l’automédication.

Pour en revenir au vaccin antigrippal, c’est le fameux laboratoire Sanofi Pasteur qui a remporté, une fois de plus, le marché. Pour rappel, Sanofi Pasteur figurait parmi les fournisseurs du Royaume en vaccin contre la grippe porcine en 2009, aux côtés de GlaxoSmithKline (GSK). Mais le ministère de la Santé garde jalousement secrètes les quantités commandées, comme les sommes qui avaient été alors engagées. Toutefois, le corps médical estime à 6 millions le nombre de doses acquises, pour un montant de 300 millions de dirhams, à raison de 50 dirhams la dose. Sans compter les frais de stockage, l’acquisition par d’autres départements de matériels de détection jamais utilisés (caméras thermiques aux frontières, portiques dans les aéroports et autres détecteurs de fièvre installés dans certaines filiales de multinationales), sans oublier les masques et les désinfectants….

Absence d’information officielle

Face à l’absence d’information officielle, des professionnels supposent qu’un accord aurait été conclu entre le département de Yasmina Baddou et Sanofi pour échanger les doses non utilisées depuis la fin de la « pseudo- pandémie ». En fait, un million de doses ont été effectivement réceptionnées dont 120 000 utilisées. Mais nul ne sait, avec certitude, ce qu’il est advenu des 880 000 doses restantes dont la date de péremption échoit en mars 2011. Encore moins des 5 autres millions d’unités commandées au summum de l’alerte. De sources concordantes, parmi ces 5 millions de doses restantes, la commande de 2 millions a été effectivement « validée et signée ». Mais alors qu’est-elle devenue ? Si réellement celle-ci a été réceptionnée, quel en est le coût de stockage ? Au-delà de mars 2011, quel sera le coût requis pour la destruction des vaccins, s’il n’y a pas eu d’échange ? Pour l’heure, aucune de ces questions n’a trouvé de réponse officielle. Une année est passée et plusieurs autres questions demeurent en suspens. Quelles ont été les modalités de règlement de la commande des vaccins AH1N1 ?

Suspicion sur le ministère

Enfin, on est en droit de se demander si un accord a été conclu entre le ministère et le laboratoire Sanofi pour lui attribuer le marché de la campagne 2010 de vaccination contre la grippe saisonnière, en contrepartie de l’annulation du reste de la commande de vaccins A H1N1 passée en 2009… Le mutisme de la ministre de la Santé face aux interpellations du corps médical laisse libre cours à diverses interprétations dont certaines pourraient jeter la suspicion sur les conditions mêmes d’attribution des marchés. D’autres sont même de nature à semer la panique au sein de la population. Ainsi, il est reproché à la ministre d’avoir mené toute cette opération, sans consultation préalable des professionnels. Par ailleurs, le ministère vient d’annoncer que le nouveau vaccin antigrippal couvre trois souches dont le virus A H1N1. Ce qui n’a pas tardé à semer le doute sur un éventuel « mélange » entre le stock de vaccins contre la grippe porcine inutilisés et celui de la grippe saisonnière !

Interrogés, les professionnels de la santé écartent d’emblée cette éventualité, techniquement irréalisable. Mais le doute s’est bel et bien installé. Et il ne sera pas dissipé tant que Yasmina Baddou se terrera dans son mutisme.

Khadija El Hassani & Mouna Kably