350 pèlerins marocains sont restés bloqués pendant près de 24 heures à l’aéroport de Jeddah sans que la RAM ne se soucie de leur existence. L’un des voyageurs fait pour actuel le récit de son « humiliante » mésaventure.

Que s’est-il passé à l’aéroport de Jeddah le lundi 20 août dernier ? En fin de journée, 350 pèlerins marocains, qui viennent d’effectuer la Omra, se présentent à l’aéroport pour embarquer à bord du vol de la RAM à destination de Casablanca, prévu mardi 21 août à 2 heures du matin. Certes, les formalités d’enregistrement sont ici communément longues et il convient de se présenter bien à l’avance. Mais ces clients de la compagnie nationale n’embarqueront finalement qu’en fin d’après-midi le mardi. Pour un décollage réalisé avec dix-sept heures de retard sur l’horaire initialement prévu. Après des heures de galère, sans réelle information ni prise en charge particulière.

Pour la RAM, aucun problème. Dans un communiqué publié le 22 août, la compagnie fait état de « perturbations » enregistrées par « quelques vols de la compagnie reliant Jeddah aux villes du Royaume , des perturbations indépendantes de la volonté de RAM ». S’il y a eu retard, ce serait « en raison de l’encombrement du trafic à l’aéroport de Jeddah lié à l’aïd Al Fitr ». La compagnie reconnaît néanmoins une « défaillance dans le traitement et l’information des passagers ». Elle a donc décidé de « mettre fin aux fonctions » de son représentant régional en Arabie saoudite. Un point, c’est tout.

Vraiment ? En prenant connaissance de ce communiqué, les passagers en provenance de Jeddah ont failli s’étrangler. Car c’est un tout autre scénario, en forme de cauchemar, que ces pèlerins ont vécu 24 heures durant. C’est dire s’ils n’ont que faire des « regrets » présentés par RAM « pour les retards largement dus à des causes indépendantes de sa volonté ».

Par 40° à l’ombre

« Nous étions à l’aéroport dès 18 heures lundi soir pour un décollage prévu à deux  heures du matin, nous raconte ce passager. Dans cet aéroport dédié aux pèlerins, nous devons d’abord attendre sur un espace couvert, mais non climatisé, avec nos chariots chargés de bagages qu’il nous faut surveiller. » Une première épreuve pour les pèlerins, entassés par 40° à l’ombre, mais généralement bien acceptée pour peu que les avions décollent à l’heure ! Ce ne sera pas le cas des pèlerins marocains. Leur enregistrement se fait attendre. Une première information communiquée par l’aéroport fait état d’un retard de deux heures. Ce ne sera donc pas 2 heures mais 4 heures du matin. « Quand j’ai demandé à un agent saoudien, déclare notre témoin, si l’avion de la RAM était néanmoins arrivé, il a souri, puis m’a dit ‘‘la Marocaine n’a pas d’horaire fixe!’’ »

Il est vrai que RAM s’est taillé à Jeddah ces dernières années une singulière réputation, jusqu’auprès des autorités aéroportuaires saoudiennes. Il n’est en effet guère de Omra ou de Haj qui ne voient la compagnie en mesure d’assurer un service de qualité et, surtout, de régularité à ses clients.

Faute d’avion sur le tarmac, les 350 passagers devront rester sur l’esplanade, où la température ambiante peine à quitter les 40°, jusqu’à… 3 heures du matin. Les habitués comprendront rapidement que le vol ne sera pas davantage assuré à 4 heures. Une heure pour un enregistrement à Jeddah ? Mission impossible. D’ailleurs, alors que le personnel de RAM a disparu dans la nature, ce sont les responsables de l’aéroport qui viennent annoncer que le vol sera finalement retardé jusqu’à 7 heures du matin. Les voyageurs, désormais enregistrés, doivent alors s’armer de patience. Certes, la salle d’embarquement est climatisée, mais depuis 18 heures la veille, le temps commence à paraître long… Et plus question de ressortir. « Il y avait là beaucoup de personnes âgées qui resteront ainsi coincées sans que personne ne leur apporte quoi que ce soit », se désole ce passager. Ni eau, ni repas, RAM aura failli à toutes ses obligations. Un peu dur à… avaler de la part d’une compagnie qui fait payer le prix de sa prestation de 50% à 100% plus cher que ses concurrentes.

Un DG « pas au courant… »

Parmi les passagers en souffrance, le directeur général d’un Office n’a pas hésité à contacter directement par téléphone Abderrafie Zouiten, le directeur exécutif de RAM, pour lui demander quelques explications. Réponse de ce dernier : « Je ne suis pas au courant… » Quand au PDG de la compagnie nationale, il était selon Zouiten « injoignable ». Mardi 21, à 9 heures du matin, toujours aucun avion en vue, ni la moindre information de nature à rassurer quelque peu les passagers. Il faudra attendre 16 heures, soit quatorze heures après l’heure initiale du vol, pour qu’un avion, affrété auprès d’une compagnie espagnole, atterrisse enfin à Jeddah pour venir libérer les pèlerins marocains de leur angoissante attente. Un avion qui décollera finalement à 19 heures. « On nous a servi à bord une nourriture que même un chien ne mangerait pas ! » s’indigne notre malheureux passager. Un passager qui se dit affligé par les manquements de la compagnie nationale. Selon ce dernier, c’est moins l’encombrement du ciel aérien de Jeddah que la défaillance du service d’affrètement auprès d’un loueur grec qui serait à l’origine des déboires de RAM. A ce jour, aucun remboursement – ni geste commercial – n’a été accordé aux sinistrés de Jeddah. « Or, précise notre témoin, les règlements internationaux stipulent qu’au-delà de 5 heures de retard, la compagnie est obligée de proposer un hôtel à ses clients. » Et de déplorer « le manque de respect et de considération de RAM envers les Marocains ».

Henri Loizeau (avec Ali Hassan Eddehbi)