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PJD Les rois du marketing
actuel n°125, vendredi 20 janvier 2012
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En jouant la carte de la proximitĂ© et de la morale, les islamistes ont rĂ©ussi leur pĂ©riode d’adaptation au pouvoir. Reste maintenant Ă  passer de la parole Ă  l’acte. 

Mais dans quel pays vivons-nous ? On se croirait en SuĂšde ! Le ministre de la Justice dĂ©jeune Ă  la cantine, le porte-parole du gouvernement prend le train pour venir travailler, les autres arrivent avec leurs voitures personnelles au ministĂšre.


 

 Ils s’arrĂȘtent au feu rouge, vont faire les courses le week-end et taillent une bavette au petit personnel sans chichi, ni flafla. Quel gouffre avec les dĂ©cennies – les siĂšcles – de distance calculĂ©e entre les reprĂ©sentants du pouvoir et le peuple.

 Le Maroc des Audi A8 s’exhibe aujourd’hui en Logan. La ficelle paraĂźt un peu grosse mais qu’en pensent les pros de la com’ ? « Puisqu’ils ont toujours vĂ©cu ainsi, ce n’est pas surmarketé », juge Mouna Yacoubi, PDG de l’agence Arietis.

 Â«â€‰Je trouve ça intelligent car le peuple attend des signaux forts qui soient aussi comportementaux, estime Noureddine Ayouch, le boss de Shem’s. Et puis quand on n’a rien Ă  donner, et c’était le cas dans cette pĂ©riode transitoire avant la dĂ©claration gouvernementale, il faut occuper le terrain. Le silence est dangereux. Alors, on parle, mĂȘme si c’est  simplement pour dire qu’on occupe de petits appartements : c’est simple mais ça passe trĂšs bien. »

 

Démagos contre démagos

Avec une nuance que relĂšve Anouar Zine, fondateur de Sawab Invest et responsable de la communication de l’UC : « L’inconvĂ©nient de ce type de com’, c’est qu’ils peuvent donner l’impression de s’excuser d’ĂȘtre lĂ . »

 La presse a Ă©tĂ© moins tendre. Ces premiers signaux d’un gouvernement tout neuf ont Ă©tĂ© diversement apprĂ©ciĂ©s par les commentateurs. Les titres arabophones s’en sont donnĂ©s Ă  cƓur joie, fustigeant dans Al Ahdath ce type de « prestidigitation » et les « talents de comĂ©dien » des ministres.

 Â«â€‰Les grandes problĂ©matiques du pays nĂ©cessitent des efforts de rĂ©flexion qui ne soient pas rĂ©duits Ă  des effets de manche », ajoute Khalid El Horri dans Assabah.

Bref, on a vite eu tendance Ă  qualifier de dĂ©magos ces premiĂšres sorties mĂ©diatiques. « Mais est-ce les comportements qui sont dĂ©magos ou les commentaires ? » fait remarquer, d’une voix posĂ©e, Lahbib Choubani, ministre des relations avec le Parlement et la sociĂ©tĂ© civile, et responsable de la communication au PJD.

 Les deux peut-ĂȘtre. On a quand mĂȘme du mal Ă  croire que toutes ces sorties mĂ©diatiques ne soient pas prĂ©mĂ©ditĂ©es. « On voit qu’il y a un vrai travail de concertation sur l’approche communicationnelle et les messages Ă  diffuser », assure Laila Ouachi (OL Consulting) qui s’occupait de la communication du RNI pendant la campagne.

 Parmi les spĂ©cialistes, chacun voit la main invisible d’un coach interne : Mustapha El Khalfi, le porte-parole du gouvernement, AĂŻcha Elabbasy transfuge de Shem’s Ă  la com’ du PJD, ou mĂȘme Baha, l’éminence grise de Benkirane Ă  qui l’on prĂȘte beaucoup Ă  dĂ©faut de savoir vraiment Ă  quoi il sert... ou pourquoi pas Choubani. Cependant pour ce dernier « Rien n’a Ă©tĂ© discutĂ© auparavant. Rien ! Evidemment pour les mĂ©dias, c’est un scoop... » Mais si rien n’a Ă©tĂ© prĂ©mĂ©ditĂ©, le moins que l’on puisse dire, c’est que les ministres ont su le faire savoir en rameutant les photographes. Petit sourire de Choubani : « Ils sont dans leur rĂŽle. »

Bref au PJD, on fait du marketing comme on respire.

 Sauf que le coup des petites cylindrĂ©es semblait programmĂ© depuis des lustres. Quand nous avons rencontrĂ© Lahcen Daoudi en septembre dernier, il nous affirmait dĂ©jĂ  que, s’il devenait ministre des Finances, sa premiĂšre mesure « serait d’imposer des petites voitures pour tous les ministres. Il faut commencer par des messages forts. » A l’époque, il n’était dĂ©jĂ  pas le dernier Ă  se vanter d’arriver au Parlement en tramway.

 

Le show Benkirane

Il reste que tous ces messages plus ou moins subliminaux vĂ©hiculĂ©s par les ministres paraissent bien fades au regard du show Benkirane. A ce niveau, ce n’est plus de la com’, c’est de la haute voltige.

 

Premier acte : la bénédiction des anciens

A peine nommĂ© par le roi, dĂšs le 1er dĂ©cembre, le nouveau chef du gouvernement va rendre visite Ă  Youssoufi, puis ira quĂ©rir la bĂ©nĂ©diction de Jettou. Traduction de cet hommage aux grands anciens selon Anouar Zine : « C’est un signe de loyautĂ©, de rĂ©vĂ©rence, une façon de dire “Je ne suis pas plus haut que vous”. »

 

Deuxiùme acte : l’interview que tout le monde comprend

Le 3 dĂ©cembre, le tout nouveau promu accorde une interview en darija sur Al Aoula. Une premiĂšre qui stupĂ©fie ses opposants. Pour affirmer sa proximitĂ© avec le peuple qui l’a Ă©lu, on peut difficilement faire mieux.

 

TroisiĂšme acte : le coup du GSM

InterpellĂ© par les diplĂŽmĂ©s-chĂŽmeurs, Benkirane leur rend visite le 5 janvier et leur donne son numĂ©ro de portable. C’est pas dĂ©mago ça ? « Ceux qui connaissent l’homme savent que c’est un acte banal. Soyez sĂ»r qu’il ne va pas changer, assure Choubani. Il ne sait pas faire autrement. Il est comme ça. »

 

QuatriĂšme acte : people family

Encore une premiĂšre, encore de l’inĂ©dit ce 1er janvier. Abdelilah pose avec madame, les enfants, la maman et toute la smala Benkirane dans Al Ayam. Le contraste avec le gouvernement prĂ©cĂ©dent est encore plus frappant.

 Qui connaĂźt madame El Fassi ? Qui a dĂ©jĂ  visitĂ© l’intĂ©rieur d’un Fassi Fihri ? Seul Himmich avait benoĂźtement posĂ© avec madame, Ă  domicile, pour Hola! : une vraie com’ choufouni ! Rien de tel dans le scoop d’Al Ayam : Benkirane apparaĂźt comme un bon pĂšre de famille, patriarche d’une tribu reprĂ©sentative de la sociĂ©tĂ© marocaine.

 Si les femmes de la famille nuclĂ©aire posent voilĂ©es en couverture, la famille Ă©largie est plus contrastĂ©e. Toutes les ados et quelques dames d’un Ăąge plus respectable sont non voilĂ©es, comme un clichĂ© de la sociĂ©tĂ© marocaine. « On reste dans un relatif libre arbitre, c’est un super signal », remarque Mouna Yacoubi. VoilĂ  Benki le rassembleur.

 

CinquiĂšme acte : « Moi, je t’offrirai des larmes de pluie »

Benkirane profite de la priĂšre pour la pluie, lancĂ©e par le roi, pour apparaĂźtre ostensiblement le 7 janvier sur une natte, perdu au milieu des fidĂšles. Il versera mĂȘme quelques larmes. Too much ? MĂȘme pas.

 Au-delĂ  de l’aspect misĂ©rabiliste, on ne lui fera pas l’injure de le traiter de comĂ©dien. « Dans un pays oĂč “gouverner, c’est pleuvoir”, mĂȘme un technocrate aurait pleurĂ©, assĂšne Anouar Zine. A sa place, je pleurerais du sang ! »

 

Un couac et des surprises

Au final, les islamistes auront donc occupĂ© l’espace mĂ©diatique avec un Ă©trange mĂ©lange de doigtĂ© et de candeur. Tout serait parfait, s’il n’y avait pas eu le gros couac de la formation du gouvernement avec son unique femme.

 La com’ habille facilement le vide mais ne rĂ©pare pas aisĂ©ment les erreurs. D’autant que les justifications maladroites de Benkirane sur les « compĂ©tences » du  sexe faible n’ont fait qu’enfoncer le clou. « C’est une Ă©norme connerie, juge Noureddine Ayouch. Je connais beaucoup de femmes qui sont plus compĂ©tentes que des ministres actuels. »

 A ce (gros) bĂ©mol prĂšs, et malgrĂ© quelques revers tactiques lors de la composition du gouvernement, les islamistes ont rĂ©ussi avec brio leur pĂ©riode d’acclimatation. Il ne se passe pas une semaine sans qu’ils parviennent Ă  nous Ă©tonner.

 AprĂšs la confĂ©rence de presse d’El Othmani et son plaidoyer ciblĂ© pour une « diplomatie Ă©conomique », c’est El Khalfi qui rend visite aux patrons de presse et leur annonce la crĂ©ation d’une « cellule au sein de notre dĂ©partement chargĂ© de relever les couacs Ă©pinglĂ©s par la presse pour une intervention urgente ».

 On se pince... La question maintenant, c’est de savoir si la rĂ©volution comportementale des ministres PJD et de leur chef d’orchestre relĂšve seulement de la communication ou de l’illustration d’une nouvelle politique.

 Â«â€‰Dans cinq ans, le bilan ne se fera pas sur la cylindrĂ©e de la voiture de fonction mais sur les rĂ©alisations », souligne Anouar Zine. LĂ  encore, les pjdistes font preuve de finesse et d’opportunisme. Le message qu’ils vĂ©hiculent en adoptant des comportements modestes, c’est l’emblĂšme d’un gouvernement qui sait qu’il sera jugĂ© sur sa lutte contre la corruption. Benkirane, malgrĂ© sa ferveur, n’a guĂšre d’influence sur l’anticyclone des Açores.

 Ni El Othmani, ni Baraka ne pourront influencer le cours de l’euro, les triples A ou le budget touristique des EuropĂ©ens. En revanche, mĂȘme si ce n’est pas une mince affaire, s’attaquer Ă  la prĂ©occupation numĂ©ro un des Marocains sera le vĂ©ritable test. 62% d’entre eux estiment que la lutte contre la corruption doit ĂȘtre la prioritĂ© du gouvernement Benkirane (cf. sondage actuel n°120).

 Dans sa dĂ©claration de politique gĂ©nĂ©rale, le chef du gouvernement n’a pas omis d’évoquer ce point central. « La dĂ©claration du patrimoine de tous ceux qui gĂšrent l’argent public est le pivot de notre lutte contre la corruption et l’économie de rente », souligne Choubani.

 

« Une cause sans adversaire »

Le marketing, c’est savoir rĂ©pondre aux besoins des consommateurs. Le marketing politique cible les dĂ©sirs des Ă©lecteurs. En dĂ©laissant les rĂ©fĂ©rentiels religieux pour des postures morales, les islamistes adaptent leur discours Ă  une demande. Avantage : « La moralisation de la vie publique est une cause sans adversaire », remarque Anouar Zine. La communication est bien au service d’une stratĂ©gie. Benkirane & Co ne vendent pas de lessive mais leur dĂ©marche est « procterienne ».

 La carte de la proximitĂ© est un coup de gĂ©nie pour sĂ©duire un peuple qui ne porte pas la cravate. « Ce n’est pas le bateau de Bolloré ! », s’amuse Anouar Zine. C’est mĂȘme l’exact contraire. « Nous n’avons eu que des ministres qui Ă©taient de l’autre cĂŽtĂ© de la barriĂšre, conclut Mouna Yacoubi. Et aujourd’hui, on a quelqu’un qui est plus proche des 31 millions et demi de Marocains que des 500 000. Il doit aussi apprendre Ă  ĂȘtre le chef de gouvernement des 500 000. Mais clairement, il est d’abord le reprĂ©sentant des 31 millions et demi. » Bienvenue dans une nouvelle Ăšre d’austĂ©ritĂ© ostentatoire.

Eric Le Braz

Si j’étais le coach de Benkirane...

On a demandĂ© aux gourous de la com’ quels conseils ils pourraient aujourd’hui donner au chef du gouvernement.

 

Anouar Zine,

Sawab Invest

« Moins de com’, plus d’action »

« Dieu m’en prĂ©serve ! Il a dĂ©jĂ  un bon coach. Mais il est Ă©vident qu’il doit vite donner des signaux sur l’économie. Maintenant, on a compris sa personnalitĂ©. Il faut moins communiquer et agir plus. Benkirane devra tempĂ©rer les attentes.

 

La politique consiste Ă  dire ce qu’on va faire, puis ce qu’on a fait. Le contre-exemple parfait, c’est Makassib oĂč l’on a sorti des rĂ©alisations qui ne correspondaient pas Ă  la dĂ©claration gouvernementale de 2007. Il faut garder la cohĂ©rence dans l’axe comme dans la parole. »

 

Mouna Yacoubi, Arietis

« Cibler sans médiatiser »

« Il doit viser la lisibilitĂ© plutĂŽt que la visibilitĂ©. Il doit travailler sur la clartĂ© des actions adaptĂ©es Ă  un public cible et pas seulement leur mĂ©diatisation Ă  outrance. Les prises de parole deviennent alors galvaudĂ©es et n’ont plus de valeur. Benkirane a une qualitĂ© de communication et de spontanĂ©itĂ© qui n’est pas toujours bien interprĂ©tĂ©e quand il s’adresse en mĂȘme temps Ă  30 millions de personnes. Il doit donc poursuivre sa dĂ©marche de proximitĂ©, pas forcĂ©ment par mĂ©dias interposĂ©s, mais en direct avec les diffĂ©rents groupes de pression et de publics cibles. Quand il va voir les hommes d’affaires, il faut un relatif huis clos... »

 

Noureddine Ayouch, Shem’s

« De l’audace, encore de l’audace ! »

« Concernant la reprĂ©sentation des femmes, il faut s’excuser, faire amende honorable et, au premier remaniement, faire rentrer beaucoup de femmes dans le gouvernement. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il doit s’ouvrir Ă  la sociĂ©tĂ© civile et accepter la pĂ©tition. Et ĂȘtre audacieux pour abolir la peine de mort et appliquer la libertĂ© de conscience. Comme les Tunisiens y pensent et comme les Turcs l’ont fait. »

 

LaĂŻla Ouachi,

OL consulting

« Trop de com’ tue la com’ »

« Aujourd’hui, nous sommes dans une communication gouvernementale qui a ses rĂšgles. Chaque message doit ĂȘtre bien mesurĂ©, les dĂ©clarations doivent ĂȘtre fondĂ©es, trop de communication tue la communication. Il y a une responsabilitĂ© gouvernementale dont la base est le programme sur lequel s’engager. Il n’a pas droit Ă  l’erreur, toute annonce sera jugĂ©e par les mĂ©dias et par le citoyen. Je conseillerais Ă  M. Benkirane de maintenir une communication de proximitĂ© basĂ©e sur le discours vrai, rĂ©el mais rĂ©aliste, et Ă©galement d’ĂȘtre dans l’approche explicative et participative avec le citoyen. »

Propos recueillis par E.L.B. et A.H.E.


Interview avec l’islamologue Saïd Lakhal

« Les rĂ©seaux sociaux permettent aux islamistes de s’offrir une nouvelle virginitĂ© »

Entretien avec le chercheur et islamologue Said Lakhal, un grand spécialiste des mouvances jihadistes. Lakhal est également un bon connaisseur de la Jamaù du cheikh Yassine, à qui il a consacré de nombreux ouvrages en langue arabe, dont le fameux Cheikh Yassine et le syndrome du messie.

 

actuel : Dans leurs dĂ©clarations, les islamistes tiennent de plus en plus un discours qui intĂšgre des principes politiques occidentaux tels que la dĂ©mocratie ou les libertĂ©s. Est-ce un vĂ©ritable changement de cap ou la modernisation du discours relĂšve-t-elle plutĂŽt d’une stratĂ©gie marketing ?

SaĂŻd Lakhal : Il y a beaucoup de calculs dans le changement de discours. Si les compagnons de Benkirane ont mis de l’eau dans leur vin, c’est tout simplement qu’ils ont compris que le vent n’était pas de leur cĂŽtĂ©.

 MĂȘme aujourd’hui, ils savent que leur victoire reste fragile. Mais il s’agit lĂ  d’une stratĂ©gie qui remonte Ă  l’aprĂšs 11-Septembre 2001. A partir des annĂ©es 2000, nous avons observĂ© une modernisation du discours des FrĂšres de Benkirane qui prĂŽnent dĂ©sormais l’adoption des principes dĂ©mocratiques, l’acceptation du jeu politique et la lĂ©gitimitĂ© du passage par les urnes.

 S’il est vrai que les islamistes se comportent toujours comme les hĂ©rauts de l’islam et de la puretĂ© idĂ©ologique, une grande majoritĂ© parmi eux a compris la nĂ©cessitĂ© de dĂ©sacraliser la vision politique, de maniĂšre Ă  avoir une part du gĂąteau.

 

MĂȘme aprĂšs avoir Ă©tĂ© promus ministres, les responsables du PJD continuent d’utiliser les moyens de transport publics, ils s’arrĂȘtent pour saluer des quidams : pourquoi prennent-ils toutes ces prĂ©cautions ?

Dans le marketing politique des pjdistes, chaque responsable vĂ©hicule une image de sobriĂ©tĂ©, de modestie, de franc-parler qui devient une marque de fabrique estampillĂ©e PJD. Ce n’est pas anodin que Benkirane se fasse prendre en photo aux derniers rangs lors des priĂšres rogatoires, poussant le souci du dĂ©tail jusqu’à immortaliser ses souliers aux semelles particuliĂšrement usĂ©es.

 Ainsi, le politicien n’est plus l’incarnation de ses idĂ©es mais d’un style qui le rapproche du petit peuple, et ce, Ă  moindre frais. Cela n’a pas empĂȘchĂ© Benkirane de rĂ©futer les rumeurs qui circulaient sur le souhait du Premier ministre de rogner sur les salaires et les privilĂšges des hauts responsables. VoilĂ  une dĂ©cision qui ne relĂšve pas du marketing politique.

 

Mais c’est sur le terrain des valeurs qu’ils sont les plus forts, n’est-ce pas ?

On croit toujours que ce sont les AmĂ©ricains qui ont inventĂ© le marketing politique dont l’objectif est de vendre des idĂ©es ou des hommes politiques, alors que les islamistes ont toujours Ă©tĂ© vigilants Ă  vendre du rĂȘve.

 A la diffĂ©rence prĂšs que les politiciens islamistes recourent davantage Ă  leur intuition qu’aux techniques modernes de marketing politique. L’espoir d’un monde meilleur (ici ou dans l’au-delĂ ) s’adresse autant aux individus qu’à la collectivitĂ©.

 En faisant particuliĂšrement attention Ă  ce que leur image publique ne soit pas Ă©cornĂ©e par des scandales d’ordre sexuel ou politique, les islamistes opĂšrent ainsi une manipulation consciente et intelligente de l’opinion publique. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils connaissent bien la psychologie des masses.

 

Est-ce que les islamistes usent et connaissent bien l’importance des rĂ©seaux sociaux ?

L’usage du marketing politique est en corrĂ©lation directe avec les finances du PJD. Du moment que les fonds allouĂ©s Ă  la presse du parti sont dĂ©risoires et que cette presse, essentiellement le quotidien Attajdid, ne joue pas le rĂŽle escomptĂ© d’avoir un impact important sur les masses, les islamistes usent Ă  satiĂ©tĂ© des rĂ©seaux sociaux pour leur campagne politique.

 Leur prĂ©sence en force sur les rĂ©seaux sociaux procĂšde Ă©galement de la volontĂ© de gagner une certaine respectabilitĂ© Ă  l’échelle internationale. Vous avez dĂ» remarquer que Benkirane, une fois promu Premier ministre, a jouĂ© Ă  fond la carte de l’apaisement. Les rĂ©seaux sociaux leur permettent de s’offrir une nouvelle virginitĂ©.

 

Est-ce que le marketing politique du PJD est le mĂȘme que celui de la JamaĂą Al Adl Wal Ihsane ?

Le style Yassine est plus agressif. L’objectif est le mĂȘme : gagner la sympathie de la population et paraĂźtre incontournable dans la construction du Maroc de demain. Mais quand le PJD vĂ©hicule l’image d’un parti qui a sauvĂ© le Royaume du chaos en rĂ©ussissant une transition impossible, Al Adl Wal Ihsane continue Ă  surfer sur la contestation, caressant les masses dĂ©shĂ©ritĂ©es dans le sens du poil, se prĂ©sentant comme l’unique alternative Ă  un « rĂ©gime corrompu » qu’il faut faire tomber et remplacer dans l’urgence.

 La derniĂšre lettre de Yassine adressĂ©e au PJD prĂ©cise d’ailleurs que « l’arrivĂ©e du PJD au gouvernement ne changera rien Ă  l’hĂ©gĂ©monie du Makhzen, et [que] Benkirane a ratĂ© un grand rendez-vous avec l’Histoire en ne se joignant pas au Printemps arabe ».

 

Le marketing politique des islamistes est-il en contradiction avec la volontĂ© de changement affichĂ©e Ă  l’issue des lĂ©gislatives ?

Les maux du Royaume ne seront certainement pas rĂ©solus par le soin pris par les islamistes de soigner leur image, n’hĂ©sitant pas Ă  faire, çà et lĂ , des promesses dont on sait bien qu’elles n’engagent que ceux qui y croient. Les citoyens attendent plutĂŽt une prise en main de leur vie de tous les jours.

Propos recueillis par Abdellatif El Azizi


RNI : le contre-exemple

Depuis l’arrivĂ©e de Salaheddine Mezouar Ă  la tĂȘte du RNI, le parti a profondĂ©ment modernisĂ© son marketing, mais sans rĂ©sultats probants. Pourquoi ?

 

Au sein du Rassemblement national des indĂ©pendants (RNI), l’ùre Mezouar est d’abord celle d’une refonte totale du parti. La communication des bleus a Ă©tĂ© l’un des plus grands chantiers de la nouvelle Ăšre.

 La formation a ainsi Ă©tĂ© la premiĂšre Ă  ĂȘtre gĂ©rĂ©e avec de « vraies rĂšgles managĂ©riales », telle une entreprise avec un prĂ©sident au lieu des traditionnels SG et conseil d’administration. MĂȘme le siĂšge avait, lors des derniĂšres Ă©lections, des allures modernes de call center.

 Cibles principales : les jeunes, les femmes et les Ă©lites. Le parti a donc exploitĂ© au maximum les nouvelles technologies pour toucher cet Ă©lectorat, Ă  coups d’enquĂȘtes de perception, teasers, clips vidĂ©o, street marketing, mailing list, etc.

 Il s’est par ailleurs appuyĂ© sur un casting de haute voltige avec Salaheddine Mezouar, mais aussi Moncef Belkhayat, Yassir Zenagui, Mbarka Bouaida
 Des personnages charismatiques sur lesquels le RNI misait pour rendre la campagne Ă©lectorale plus attrayante. Au long de l’annĂ©e Ă©coulĂ©e, tout a Ă©tĂ© minutieusement prĂ©parĂ© pour permettre au parti de prendre le leadership d’une future majoritĂ©. Mais la rĂ©alitĂ© du terrain est parfois tout autre.

 

Com’ trop « occidentalisĂ©e »

Pour Noureddine Ayouch, expert en communication, les piĂštres rĂ©sultats obtenus par le RNI trouvent une explication logique : « Le marketing doit s’adapter Ă  la cible. Or le marketing du RNI Ă©tait trop occidental
 ça ne marche pas ici .»

 Noureddine Ayouch revient Ă©galement sur l’expĂ©rience du G8 : « Il faut tester avant de lancer un produit. C‘est procterien ! (Ndlr : en rĂ©fĂ©rence au groupe Procter & Gamble) A ce niveau, l’Istiqlal et l’USFP ont rĂ©ussi Ă  conserver leur image sans la brouiller. Le G8 n’était ni sĂ©rieux ni crĂ©dible. »

 Quant Ă  Mezouar, « c’est un homme trĂšs bien. Il a un parti bien structurĂ©, implantĂ© dans les campagnes. Il avait la brochette la plus intelligente de managers qui soit
 mais il n’a pas su s’adapter au peuple
 Le PJD l’a fait. »

 Un avis que ne partage pas LeĂŻla Ouachi, d’OL Consulting et spin doctor du RNI, qui a accompagnĂ© cette fameuse dĂ©marche new age. Se refusant de qualifier « d’échec » la campagne Ă©lectorale des bleus, elle nuance son discours en distinguant les objectifs (en termes d‘image) des rĂ©sultats obtenus.

 Pour elle, le RNI a eu un peu plus de siĂšges qu’en 2007, mais il a surtout gagnĂ© en image et en notoriĂ©tĂ©. « Les points forts de cette campagne ont Ă©tĂ© la prĂ©sence sur le web et sur tous les rĂ©seaux networking
 Nous avons Ă©galement initiĂ© une vraie stratĂ©gie d’image avec un concept novateur. Elle a permis de donner de la visibilitĂ© au RNI et Ă  son prĂ©sident », explique-t-elle. Et si les choses n‘ont pas marchĂ© comme prĂ©vu c‘est « peut-ĂȘtre parce que cette stratĂ©gie ne rĂ©pondait pas Ă  la rĂ©alitĂ© du terrain, les citoyens avaient besoin de discours simples, plus populaires, plus en phase avec leurs attentes », reconnaĂźt-elle.

 Le travail sur l’image n‘a donc pas suffi. L’étiquette du parti de l’administration collait Ă  la peau du RNI qui n’a rien fait pour s’en sĂ©parer, le prĂ©sident affirmant simplement : « Les partis de l’administration, c’est de l’histoire ancienne. » Salaheddine Mezouar a assumĂ© sa relation avec le PAM, et il en a payĂ© le prix.

 Les vidĂ©os postĂ©es sur facebook ou encore les jolis polos bleus fiĂšrement arborĂ©s par les ministres n’étaient pas suffisants pour balayer l’image de « 33 ans au service du Makhzen ». Et maintenant que les figures charismatiques, de Zenagui Ă  Akhannouch, ont commencĂ© Ă  quitter le navire, le prochain dĂ©fi du RNI est de se reconstruire une nouvelle image. Celle d’un parti d’opposition. Et, du passĂ©, faire table rase.

Ali Hassan Eddehbi

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N°124 : Le 20-FĂ©vrier s'essoufle...  mais le Maroc bouillonne
N°123 : Protectorat,   Cent ans sans solitude
N° 122 : Formation du gouvernement,  Ca coince et ca grince
N°121 : Portables, Internet, documents biomĂ©triques
  Flicage, mode d’emploi
N° 120 : Sondage exclusif :  Benkirane, Monsieur 82%
N°119 : Pourquoi le Maroc ne sera pas   islamiste
N°118 : Mohammed VI versus al-Assad,   Au nom du pĂšre
N°117 : Gouvernement :   Cabinets ministĂ©riels, de l’ombre Ă  la lumiĂšre
N°116 : Plan social :  les sacrifiĂ©s de la RAM
N°115 : Coup d’Etat :   Skhirat, L’histoire du putsch revue et corrigĂ©e
N°114 : Politique fiction  Et le gagnant est ...
N°113 : Le dernier combat de   Mohamed Leftah
N°112 : Portrait Abdelbari Zemzmi
N°111 : HarcĂšlement sexuel et moral  Un sport national
N°110 : Bilan  Le code de la dĂ©route
N° 109 : L’ONDA  Grosses tensions et petites combines
N°108 : Placements Comment sauvegarder son patrimoine  
N°107 : ImpĂŽt sur la fortune El Fassi lance un pavĂ© dans la mare  
N° 106 : Interview 
N° 104/105 : Presse Ă©trangĂšre/Maroc Le grand malentendu  
N°103 : Le temps de l’amazigh  
actuel 102 : RĂ©fĂ©rendum Ecrasante victoire du Oui  
actuel 101 : FatĂ©ma Oufkir : Le roi et moi 
N°100 : 100 indignations et 100 solutions pour le Maroc 
N°99 : Projet constitutionnel Le roi et nous  
N° 98 : PĂ©dophilie  : Tolerance zero 
N° 97 : Gad, Jamel & co Pourquoi les Marocains font rire le monde
N° 96 : L’horreur carcĂ©rale 
N° 95 : Enseignement privĂ© : Le piĂšge  
Actuel n°94 : Moi, Adil, 25 ans, marchand de chaussures et terroriste  
N°93 : Ces cliniques qui nous ruinent 
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Actuel n°92 : Il n’y pas que le 20-FĂ©vrier
  
Actuel n°92 : Qui cherche Ă  dĂ©stabiliser le pays ?  
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Actuel N°72 : Aquablanca : La faillite d’un systĂšme  
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Actuel n°64 : Bourse de Casablanca, des raisons d’espĂ©rer 
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Actuel n°62 : Le code de la route expliquĂ© par Ghellab
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 racontĂ©e par une Marocaine
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N°59 : Eric Gerets, la fin du suspense ?
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N°52 : DiplĂŽmĂ©s chĂŽmeurs : le gouvernement pris au piĂšge
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N°49 : Crise, le Maroc en danger ?
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N°46 : Chirurgie esthĂ©tique :  plus belle, tu meurs
N°45 : McKinsey dans la ligne de mire  
N°44 : Trafic sur les biens des Ă©trangers 
N°43 : Avec les Ă©vadĂ©s de Tindouf 
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N°37 : Boutchichis Les francs-maçons du Maroc
N°36 : Hamid Chabat rĂ©veille les vieux dĂ©mons
N°35 : Vies brisĂ©es 
N°34 : Maires Ceux qui bossent et ceux qui bullent
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N°32 : Sexe, alcool, haschich, jeux
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