| 
	|  |  
    | ONG: La face cachĂ©e de la sociĂ©tĂ© civile actuel n°137, vendredi 13 avril 2012
 
 |  
    |   |  
    | Promptes à prêcher la bonne parole, de nombreuses associations auraient bien des choses à se reprocher. Enquête sur ces stars de l’humanitaire qui ont leurs petits à-côtés. 
   S’il y a une association grand public, c’est bien l’AMDH. Comme on dit dans le jargon journalistique, l’ONG est un bon client. Disponible, l’institution de Khadija Riyadi est sur tous les fronts. Bien implantĂ©e dans les patelins les plus reculĂ©s, l’ONG rĂ©alise un travail remarquable. Pourtant, cette association fait partie des ONG Ă©pinglĂ©es par Lahbib Choubani qui s’est largement rĂ©pandu devant les parlementaires sur « l’absence de transparence de ces associations qui reçoivent des financements de l’étranger ». Un mauvais procès de la part du ministre chargĂ© des Relations avec le Parlement Ă  la sociĂ©tĂ© civile ? Certainement, dès lors que l’ONG de dĂ©fense des droits de l’homme n’hĂ©site pas, occasionnellement, Ă  refuser de l’argent quand le financement Ă©tranger est en porte-Ă -faux avec ses valeurs. Ce fut le cas en 2007, quand elle a appelĂ© au boycott du financement amĂ©ricain en compagnie de cinq autres organisations de la sociĂ©tĂ© civile dont le Syndicat national de la presse (SNP). Choubani avance un montant de subventions Ă©trangères de 626,87 millions de dirhams, Ă©talĂ©es sur six ans, entre 2006 et 2011, qui ont Ă©tĂ© gĂ©nĂ©reusement accordĂ©es Ă  la sociĂ©tĂ© civile. Ce pactole reprĂ©sente la partie visible de l’iceberg puisqu’il ne concerne que les dĂ©clarations des associations qui Ă©margent au SecrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral du gouvernement. Lors de la prĂ©sentation du budget sectoriel de son dĂ©partement en commission parlementaire, Choubani a expliquĂ© que le nombre d’associations ayant obtenu un soutien financier de l’étranger Ă©tait passĂ© de 80 en 2006 Ă  279 en 2010.   Obligation de rĂ©sultats ? Quant Ă  Bassima Hakkaoui, qui ne parle que des associations financĂ©es par le dĂ©partement dont elle vient de prendre la direction, elle dĂ©plore le fait que la subvention des pouvoirs publics aux associations ne soit pas assujettie Ă  une obligation de rĂ©sultats. Celle-ci a pratiquement doublĂ© entre 2008 et 2009, passant de 32 millions Ă  presque 58 millions de dirhams. Bien des associations sont pourtant au-dessus de tout soupçon sauf que l’affaire est plus compliquĂ©e parce que, souvent, de nombreuses ONG cachent des desseins peu avouables. Les ONG se doivent en principe d’être apolitiques ; on sait que beaucoup jouent un double jeu en dĂ©fendant en catimini des intĂ©rĂŞts religieux, ethniques ou encore politiques. On leur reproche aussi de collecter des fonds Ă  satiĂ©tĂ© au profit de quelques personnalitĂ©s opportunistes Ă  l’éthique individuelle Ă  tangente variable. Les plus dĂ©criĂ©es restent ces milliers de petites ONG dont la traçabilitĂ© est très difficile Ă  Ă©tablir. Malheureusement, il s’agit lĂ  du gros des troupes. Dans la nĂ©buleuse de la sociĂ©tĂ© civile, il y autant d’escrocs notoires qui, Ă  travers des associations fantoches, se remplissent les poches en faisant appel Ă  la gĂ©nĂ©rositĂ© des citoyens, que de mouvances obscurantistes qui font leur beurre Ă  l’occasion des fĂŞtes religieuses n’hĂ©sitant pas Ă  dĂ©tourner la zakat pour des causes qui sont loin d’être nobles. Le meilleur exemple Ă©tant celui d’Al Adl Wal Ihsane qui, sans ĂŞtre reconnue lĂ©galement, est une association essentiellement financĂ©e par des dons de particuliers, de mouvances extĂ©rieures et que l’on soupçonne d’avoir Ă©galement quelques officines Ă©trangères (Ă  commencer par les Iraniens) dans ses bailleurs de fonds. Dons, cotisation des membres, zakat al fitr, aumĂ´ne lĂ©gale... toutes les occasions sont bonnes aux yeux des disciples de Yassine comme d’autres associations islamistes pour faire remonter cette manne au gourou de la secte. Le cheikh Yassine, qui roule carrosse et accorde de gros billets en mĂŞme temps que sa bĂ©nĂ©diction Ă  ses lieutenants les plus proches, connaĂ®t bien l’importance du nerf de la guerre. En principe, cette association n’a pas d’existence lĂ©gale, du coup son financement est le plus opaque de toute la galaxie de la sociĂ©tĂ© civile. La fortune de Yassine serait considĂ©rable mĂŞme si les experts comptables de la Jamâa sont passĂ©s maĂ®tres dans l’art de noyer les investissements, essentiellement dans l’immobilier grâce Ă  une myriade de prĂŞte-noms qui rebuterait les plus redoutables des inspecteurs des finances. L’argent vient essentiellement des Etats-Unis oĂą les disciples du cheikh ont leurs entrĂ©es. Dans ce pays, la Jamaâ a pignon sur rue avec un siège officiel en Iowa. A visage dĂ©couvert, des personnalitĂ©s de renom comme Imad Benjelloun, le patron de Justice and Spirituality Publisher, une maison d’édition d’Al Adl Wal Ihsane, prendrait un malin plaisir Ă  rapatrier les bĂ©nĂ©fices des ventes en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis d’ouvrages consacrĂ©s Ă  l’islam et Ă  la mouvance au Maroc. Une autre grosse pointure de la Jamâa, Hassan El Annani, le directeur de Al-Huda Islamic Academy, qui fait Ă©galement office d’imam de la mosquĂ©e de l’Islamic Center of Bloomington-Normal, rĂ©ussit Ă  collecter des sommes considĂ©rables au profit de l’association. Si Al Adl maintient jalousement le secret sur le nombre de ses militants, l’omerta est encore plus grande sur les rentrĂ©es de devises. « L’argent qui rentre de l’étranger circule sous forme de petites sommes envoyĂ©es par le biais de Western Union Ă  des milliers d’individus qui se chargent de le remonter au cheikh. Il y a aussi les connexions avec les barons de la drogue du Nord, oĂą Yassine a ses entrĂ©es, qui permettent d’utiliser la filière pour rapatrier de l’argent de l’étranger. Pour mĂ©moire, pendant longtemps, Yassine profitait de la villa front de mer du fameux baron de la drogue, Binlouidane, pour y passer ses vacances d’été », explique un ancien adliste repenti. S’il n’y avait que Yassine qui profitait du financement Ă©tranger, ce serait un moindre mal mais, le problème, c’est qu’une multitude de petites associations connectĂ©es Ă  des groupes jihadistes Ă©trangers profitent des pĂ©trodollars wahhabites pour distiller leur propagande obscurantiste quand elles ne sont pas carrĂ©ment engagĂ©es dans des projets terroristes.   GĂ©nĂ©rositĂ© publique Que fait l’Etat ? En juillet 2010, TaĂŻb Cherkaoui avait bien tentĂ© de sortir le grand jeu. A partir de cette date, toute association qui voulait rĂ©colter de l’argent ou des dons devait obtenir l’autorisation dĂ»ment Ă©crite des autoritĂ©s locales. Une circulaire adressĂ©e aux walis et autres gouverneurs leur faisait l’injonction d’interdire toute « opĂ©ration d’appel Ă  la gĂ©nĂ©rositĂ© publique sans l’obtention de l’autorisation du SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du gouvernement ». « Quand bien mĂŞme les objectifs assignĂ©s par lesdites associations seraient des objectifs humains, nobles et lĂ©gaux, ils ne sauraient les dispenser, pour autant, du respect des dispositions lĂ©gislatives en vigueur et du principe de l’obligation d’obtenir au prĂ©alable l’autorisation, quels que soient la nature et les buts de l’appel Ă  la gĂ©nĂ©rositĂ© publique, sous peine de prendre Ă  leur encontre les mesures lĂ©gales et judiciaires prĂ©vues par la lĂ©gislation en vigueur », martèle la circulaire. Alors, toutes pourries les ONG ? Faut-il prendre la sortie des ministres PJD Ă  la lettre ? La charge est brutale. Trop. Si sur les milliers d’associations que compte le pays, il y en a bien des centaines qui n’ont pour unique raison d’exister que l’encaissement de la subvention publique, si dans le lot, les ONG qui fonctionnent selon un agenda concoctĂ© par quelques officines Ă©trangères sont Ă©galement prĂ©sentes, on ne saurait limiter le travail remarquable de la sociĂ©tĂ© civile Ă  quelques brebis galeuses. On ne s’arrĂŞtera pas aux ONG créées uniquement pour flatter l’égo de milliardaires en quĂŞte de reconnaissance. D’innombrables ONG telles que la fondation Sekkat, SOS Tuberculose, Enfance sourire, L’Heure Joyeuse ou encore l’Association Lalla Selma de lutte contre le cancer, pour ne citer qu’elles, reprĂ©sentent une rĂ©ponse directe et incontournable aux maux de la sociĂ©tĂ©. Pour la plupart des acteurs de la sociĂ©tĂ© civile interrogĂ©s, la cabale de Choubani cache autre chose.   LibertĂ© de manĹ“uvre Peut-on Ă©vacuer la peur des islamistes au pouvoir de perdre le contrĂ´le qui prĂ©valait jusqu’à une Ă©poque rĂ©cente sur des associations entièrement sous la coupe du pouvoir politique ? L’ère des « super associations rĂ©gionales », prĂ©sidĂ©es par des personnalitĂ©s Ă©margeant au sein du premier cercle du pouvoir ou par d’anciens ministres, est rĂ©volue. La monarchie, qui a tenu par le passĂ© Ă  domestiquer la sociĂ©tĂ© civile en Ă©vacuant notamment sa mission de contre-pouvoir, a abandonnĂ© cette orientation avec l’avènement au pouvoir de Mohammed VI. La nouvelle Constitution a ouvert toutes grandes les vannes et il est permis de douter de la capacitĂ© des camarades de Benkirane Ă  partager le pouvoir avec la sociĂ©tĂ© civile. L’argument majeur de Choubani sur le dĂ©ficit d’indĂ©pendance des ONG vis-Ă -vis des bailleurs de fonds Ă©trangers ne vaut que pour quelques associations, mais ce que semblent craindre le plus les islamistes, c’est que des ONG comme l’AMDH soient noyautĂ©es par des groupuscules d’extrĂŞme-gauche comme Annahj Addimocrati. Or cette apprĂ©hension, qui porte sur la libertĂ© de manĹ“uvre des ONG, vaut pour bien des associations Ă  commencer par celles qui roulent pour le PJD. La sociĂ©tĂ© civile fait face Ă  des besoins tangibles. Ses projets rĂ©pondent dans leur globalitĂ© Ă  des attentes rĂ©elles et apparaissent donc incontournables. Certaines font un travail remarquable et sont parfois limitĂ©es dans leurs actions par les Ă©lus locaux qui n’aiment pas cĂ©der une partie de leurs prĂ©rogatives. Maintenant la question reste toujours posĂ©e de savoir pourquoi jusqu’à prĂ©sent, on n’a pas rĂ©ussi Ă  mettre en place un code de bonne conduite des organisations sans but lucratif, histoire de promouvoir plus de transparence dans le secteur. « On aurait aimĂ© que M. Choubani, au lieu de faire la chasse aux ONG qui ne disposent pas d’une comptabilitĂ© transparente, planche sur une stratĂ©gie qui instaure la contribution potentielle de la sociĂ©tĂ© civile au processus de dĂ©veloppement. D’encourager ce partenaire incontournable Ă  davantage renforcer ses capacitĂ©s pour jouer son vĂ©ritable rĂ´le de contre-pouvoir dans tous les aspects de la vie politique, Ă©conomique, sociale et culturelle du pays. Surtout que la nouvelle Constitution insiste beaucoup sur le rĂ´le de la sociĂ©tĂ© civile dans la consolidation de la dĂ©mocratie », estime Cherkaoui Smouni, prĂ©sident du Centre marocain des droits de l’homme (CMDH). « Cela, poursuit-il, sent le populisme Ă  plein nez. Tout le monde sait que les associations sont assujetties Ă  plusieurs audits, d’abords des organismes qui financent leurs projets, et ce n’est pas la fonction du ministère chargĂ© des Relations avec la sociĂ©tĂ© civile de jouer au policier. C’est Ă  l’Inspection des finances, Ă  la Cour des comptes, au SGG et aux ministères qui dĂ©bloquent les financements de procĂ©der au contrĂ´le des deniers publics. » En rĂ©alitĂ©, c’est le fait pour les ONG d’être tributaires du financement public, dont la manette appartient dĂ©sormais aux islamistes, qui pose vraiment la question de leur indĂ©pendance d’action et de leur capacitĂ© Ă  adopter des positions critiques face Ă  la politique du gouvernement. RĂ©sultat, avec ou sans l’argent de l’Etat, la sociĂ©tĂ© civile sera au cĹ“ur du combat politique, mĂŞme si les islamistes au pouvoir cherchent Ă  tout prix Ă  museler les ONG par le biais de la carotte du financement public. Politiquement, le Parti de la justice et du dĂ©veloppement est dans son rĂ´le. Le parti au gouvernement incarne ainsi une vieille tradition de notre pays, celle oĂą, faute de vĂ©ritable dĂ©bat, on se dresse contre tout appel au changement, au risque, cette fois-ci, de se mettre Ă  dos l’ensemble de la sociĂ©tĂ© civile. Abdellatif El Azizi                                    |  
    | 
      
        | Contrôle : comment font les autres ?   En France, depuis les années 90, le contrôle des associations a été musclé par une série de mesures. Aujourd’hui, les ONG sont plus contrôlées que les entreprises. Depuis les scandales à répétition, et notamment celui de l’Association pour la recherche contre le cancer en 1994, l’arsenal comptable, juridique et fiscal a été renforcé pour assurer la transparence des associations et éviter que les ONG se sucrent sur le dos du contribuable. A l’époque, l’Association pour la recherche sur le cancer, qui disposait d’un budget annuel de 400 millions de francs, avait été prise la main dans le sac à cause d’une comptabilité truquée. Depuis, des procédures de contrôle interne, exigées par le commissaire aux comptes, sont de plus en plus souvent mises en place. Pour ce qui est des finances des ONG, en 2003, la loi de sécurité financière (LSF) du 1er août a imposé certaines obligations juridiques, comme par exemple la communication des conventions conclues entre l’association et ses dirigeants. De même, la loi du 12 avril 2000 a imposé, pour toute subvention excédant 23 000 euros accordée par une collectivité, de conclure une convention précisant les droits et obligations des parties. Dans la foulée, on a mis en place un dispositif qui permet aux citoyens de contrôler, dans les communes de plus de 3 500 habitants, la provenance et les dépenses des subventions allouées. Si l’association reçoit plus de 153 000 euros de subventions, ou si elle émet plus de 153 000 euros de reçus fiscaux (correspondant aux dons reçus), elle doit tenir une comptabilité, publier ses comptes, et être soumise au contrôle d’un commissaire aux comptes. Enfin, la publication des rémunérations et avantages en nature des trois plus hauts cadres et dirigeants, salariés ou bénévoles est désormais obligatoire. |  
 
      
        | Utilité publique Comment obtenir le sésame La course au quitus peut s’avérer laborieuse même lorsque l’association est reconnue d’intérêt public. Qui donc tire les ficelles des procédures et des habilitations ?   Entre la Société française de bienfaisance de Rabat-Salé qui a eu son quitus en 1918, et l’Association musulmane de bienfaisance qui a bénéficié du fameux sésame le 22 mars 2012, gouvernement Benkirane oblige, elles ne sont pas nombreuses les ONG qui ont été jugées dignes de décrocher le label d’utilité publique. A titre anecdotique, et pour saisir la grande portée politique de cette dérogation, ces deux ONG ont déposé leur demande pratiquement à la même période, c’est-à-dire sous le protectorat. La première a reçu l’accord très rapidement des autorités coloniales, et la seconde a dû attendre près d’un siècle l’arrivée du premier gouvernement islamiste du Maroc pour voir son dossier débloqué. Pour le cru 2011, sur les onze associations qui ont présenté un dossier en béton au SGG, seules cinq ont décroché le gros lot. En principe, cette appellation contrôlée, qui est distribuée au compte-gouttes exige des ONG qui en font la demande des preuves tangibles témoignant d’un but d’intérêt général. Les activités de l’association doivent couvrir un des domaines suivants : philanthropique, social, sanitaire, éducatif, scientifique, culturel. Ou alors, elles doivent cibler la qualité de la vie, l’environnement, la défense des sites et des monuments, ou avoir une influence et un rayonnement suffisants dépassant, en tout état de cause, le cadre local. Comme elles doivent prouver qu’elles bénéficient d’un nombre minimum d’adhérents déterminé et d’une solide assise financière.   Exister pour les dons et les legs Cependant, pourquoi sont-elles aussi nombreuses, les ONG qui se bousculent au portillon pour décrocher la reconnaissance par le gouvernement du rôle de l’utilité publique ? Pour une raison très simple, il faut rappeler que seules les associations reconnues d’utilité publique peuvent recevoir des dons ou des legs, dans les conditions et limites prévues par les dispositions des articles 10 et 11 du dahir du 15 novembre 1958. De plus, cette appellation permet aux donateurs de déduire le montant des dons octroyés de leur résultat net ou de leur revenu global imposable au titre, selon le cas, de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt général sur le revenu. Elle permet également une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations fournies par ladite association, ainsi que pour les biens, marchandises, travaux et prestations fournis à ces associations à titre de dons dans le cadre de la coopération internationale. Qui délivre le fameux sauf-conduit ? En fait, la direction des associations et des professions réglementées du SGG ne fait que transmettre les demandes au ministre des Finances qui doit attendre le feu vert de la primature. Mais les véritables patrons de l’utilité publique, ce sont les gouverneurs et les walis qui sont devenus par la grâce du dahir du 10 janvier 2005 les seuls habilités à gérer les conditions et les procédures de reconnaissance d’utilité publique au profit des associations. C’est sur la base du rapport du gouverneur que Driss Dahak décide ou non de faire remonter la demande à la primature. Abdellatif El Azizi     |  
 
      
        | « La rĂ©plique des associations » Choubani est-il populiste, sincère ou politicien ? Les premiers visĂ©s ont leur avis sur la question.   Louable en soit, l’acte de Lahbib Choubani n’est pas dĂ©nuĂ© de calculs politiques. Car sur les quelque 375 associations qui bĂ©nĂ©ficient du financement international, moins d’une dizaine sont visĂ©es. Pointer du doigt ces aides, de manière aussi sĂ©lective, reviendrait, pour certains acteurs associatifs, Ă  une attaque ciblĂ©e contre quelques ONG. En particulier celles qui « dĂ©rangent l’Etat et le gouvernement ». En outre, soutient-on, la logique de bonne gouvernance – censĂ©e ĂŞtre le motif de cette dĂ©marche – suppose de commencer par les subventions nationales qui reprĂ©sentent la majeure partie de l’argent brassĂ© par les associations, et proviennent de la poche du contribuable. Voici ce qu’en pensent les premiers concernĂ©s.   Khadija Riyadi, prĂ©sidente de l’AMDH   «Notre rĂ©ponse sera publiĂ©e bientĂ´t » « Avant d’exiger la transparence, il faut commencer par l’être soi-mĂŞme. Pourquoi ne citer que cinq ou six noms d’associations, dont l’AMDH ? Quitte Ă  le faire, autant que ce soit avec des preuves concrètes et matĂ©rielles. C’est bien de vouloir informer, mais encore faut-il le faire jusqu’au bout en offrant une information complète. M. Choubani devrait publier une liste globale comportant tous les noms d’associations visĂ©es, six associations ne forment pas 20% de la sociĂ©tĂ© civile. Il devrait aussi prendre ses responsabilitĂ©s et engager un dialogue effectif avec la sociĂ©tĂ© civile. Notre rĂ©ponse sera publiĂ©e bientĂ´t car il ne faut certes pas oublier que l’AMDH est une association dont la transparence n’est pas Ă  prouver et qui publie instantanĂ©ment le montant de toute aide Ă©trangère dont elle bĂ©nĂ©ficie. »   Noureddine Ayouch, prĂ©sident de la Fondation Zakoura « L’Union europĂ©enne travaille mieux que le gouvernement marocain »   « Je pense que la dĂ©marche de M. Choubani part d’une bonne intention, je ne peux qu’être d’accord avec lui lorsqu’il appelle Ă  la transparence. Mais avant qu’il ne s’érige en donneur de leçons, il serait judicieux qu’il discute avec les associations et qu’il maĂ®trise et s’assure de la rĂ©alitĂ©. Le fait est que l’argent des subventions Ă©trangères est dĂ©jĂ  très bien encadrĂ©. Pour octroyer leur aide, les gouvernements Ă©trangers s’adressent aux associations auditĂ©es qui dĂ©posent leurs bilans chaque annĂ©e. Donc pour ce qui est de la transparence, l’Union europĂ©enne travaille mieux que le gouvernement marocain. Celui-ci, justement, ne peut satisfaire la demande de toutes les associations. La plupart d’entre elles ne disposent mĂŞme pas de moyens nĂ©cessaires pour organiser leurs Ă©vĂ©nements, encore moins se permettre un service de comptabilitĂ©. Ce qu’il faut faire, c’est aider les associations Ă  se professionnaliser, puis les encadrer. »         Rachid Filali Meknassi, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de Transparency Maroc  « C’est du patriotisme dĂ©placĂ© » « Je crois que la dĂ©marche de M. Choubani s’inscrit dans une logique de bonne gouvernance. Or, celle-ci commence d’abord par l’argent public et la façon dont on le dĂ©pense. Mais le ministre a d’abord dĂ©voilĂ© les noms de quelques associations qui reçoivent des subventions internationales, ce qui ne relève plus Ă  mon avis de la bonne gouvernance mais d’un esprit de patriotisme dĂ©placĂ©. Je suis pour le principe et contre la dĂ©marche. Et puis, juridiquement, je ne crois pas qu’il y ait une loi qui autorise le gouvernement Ă  publier ces informations. La loi oblige les associations Ă  dĂ©clarer leurs subventions au SecrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral du gouvernement, mais ne dit rien sur la publication de celles-ci. Je ne m’oppose pas Ă  la publication mais je trouve que ces informations ne relèvent pas de la sphère publique, tout simplement. »   AĂŻcha Ech-Chenna, prĂ©sidente de SolidaritĂ© fĂ©minine  « Sans subventions, nous allons fermer ! » « J’ai rencontrĂ© rĂ©cemment le ministre au Parlement et ai insistĂ© sur le fait que si le gouvernement ne veut pas que l’on reçoive des financements de l’étranger, il doit faire son travail, ainsi que le Parlement, sinon nous devrons baisser le rideau ! C’était une rĂ©action de colère, certes. A prĂ©sent, je me demande pourquoi cette dĂ©marche intervient Ă  ce moment prĂ©cis. Nous sommes transparents et nous avons des audits rĂ©guliers. Cela Ă©tant, la question est de savoir comment on va travailler car l’Europe en crise risque de fermer les robinets. Le gouvernement aurait mieux fait de nous dire comment travailler sans financement Ă©tranger. Avec quel argent va-t-on pouvoir continuer Ă  agir ? Le gouvernement mais Ă©galement les entreprises doivent contribuer au financement des associations, sous rĂ©serve ne pas conditionner les aides. » Propos recueillis par Ali Hassan Eddehbi et Ranya Sossey Alaoui                                                         ***   Les chiffres   • 230 000 000 dirhams ont Ă©tĂ© gĂ©nĂ©reusement offerts Ă  230 ONG de 2007 Ă  2011 sur des critères flous et sans obligation de rĂ©sultat.   • En 2010, 15 associations ont absorbĂ© 20 millions de dirhams sous forme de subventions publiques.   • Les associations locales des rĂ©gions enclavĂ©es et dĂ©favorisĂ©es, qui font face Ă  des besoins Ă©normes, ne reçoivent pas plus de 10 Ă  50 000 dirhams de subventions par an.   • 63 associations appartenant Ă  des personnalitĂ©s connues perçoivent des fonds dĂ©bloquĂ©s deux fois par an par le dĂ©partement de la SolidaritĂ©, de la Femme, de la Famille et du DĂ©veloppement social.   • 30 ONG raflent près de 70% des fonds de solidaritĂ©.   • Les ONG situĂ©es sur l’axe Casa-Rabat-SalĂ© s’accaparent tous les budgets de dĂ©veloppement dĂ©bloquĂ©s par diffĂ©rentes institutions. Certaines associations reçoivent des subventions du dĂ©partement de Bassima Hakkaoui, de l’entraide nationale et des agences de dĂ©veloppement rĂ©gionales pour le financement d’un mĂŞme projet.   • Quelques ONG triĂ©es sur le volet reçoivent une subvention qui dĂ©passe le million de dirhams par an. En 2007, parmi les heureux Ă©lus, on trouve l’association Dar El Bir Wal Ihsane, l’association culturelle et sociale Had Kourt, Alternatives, Ittihad Amal Atfal entre autres… |  |  
      |  |  |