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SaĂąd Zouak, un Marocain vert Ă  New York 
Actuel n°65, samedi 16 octobre 2010
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Alors que ses condisciples choisissent d’ĂȘtre traders Ă  Wall Street, SaĂąd Zouak sort des sentiers battus. IngĂ©nieur environnemental, il crĂ©e trĂšs tĂŽt son cabinet et tisse un lien privilĂ©giĂ© avec la ville de New York et ses dĂ©partements. Histoire d’un parcours atypique.


***

SaĂąd Zouak est l’archĂ©type mĂȘme du self-made-man qui a tracĂ© son petit bonhomme de chemin aux Etats-Unis, aprĂšs y avoir effectuĂ© un parcours universitaire sans faute. Ce natif de MeknĂšs, pur produit de l’école publique marocaine, prĂ©side, depuis maintenant deux dĂ©cennies, aux destinĂ©es de l’un des cabinets conseil new-yorkais les plus en vue, Airtek. A peine le baccalaurĂ©at en poche, rĂȘve amĂ©ricain en tĂȘte, il prend un billet pour New York. Avec un associĂ© amĂ©ricain, Zouak crĂ©e son propre cabinet une annĂ©e seulement aprĂšs avoir dĂ©crochĂ© son diplĂŽme d’ingĂ©nieur au New Jersey Institute of Technology. Il dĂ©cide alors de se pencher sur les problĂ©matiques de l’environnement, Ă  un moment oĂč celles-ci ne figuraient pas encore parmi les prioritĂ©s, ni des grands dĂ©cideurs ni des politiques. Mais le jeune Marocain est persuadĂ© d’avoir choisi la bonne voie alors que la plupart de ses compatriotes, comme d’ailleurs ses condisciples amĂ©ricains, se laissent sĂ©duire par l’ascension fulgurante des marchĂ©s financiers et les plus-values faramineuses engrangĂ©es par Wall Street.

« Dans les annĂ©es 90, les Ă©tudes d’ingĂ©nieur spĂ©cialisĂ© dans l’environnement paraissaient ringardes aux yeux de mes camarades », se souvient SaĂąd. Convaincu pourtant de son choix, il intĂšgre l’universitĂ© de New York pendant deux ans, avant de s’envoler vers le Texas pour y dĂ©crocher un Bachelor of Chemical Engineering. Il passera une annĂ©e seulement au sein du grand cabinet Detail Associate, au cours de laquelle il suivra des cours du soir pour dĂ©crocher un master en environnement.

Un portefeuille étoffé

Le jeune ingĂ©nieur dĂ©cide aussitĂŽt de voler de ses propres ailes. « Je me suis vite rendu compte que le secteur Ă©tait porteur et tant que le terrain Ă©tait encore vierge, il fallait se lancer rapidement pour saisir les opportunitĂ©s au bon moment », se souvient-il. Une dĂ©cision mĂ»rement rĂ©flĂ©chie qui lui portera chance. Depuis 1988 donc, Airtek ne cessera d’étoffer son portefeuille clients qui, aujourd’hui, en ferait pĂąlir plus d’un. La ville de New York et ses diffĂ©rents dĂ©partements, des banques amĂ©ricaines basĂ©es aux Etats-Unis et en Chine, la plupart des multinationales amĂ©ricaines, des cabinets d’architectes et promoteurs de travaux d’infrastructure, des hĂŽpitaux
 SaĂąd Zouak a rĂ©ussi Ă  tisser sa toile en intervenant partout aux Etats-Unis, au Canada et au Mexique, au grĂ© de la demande de ses clients et de leurs filiales, en s’appuyant sur une Ă©quipe de 65 ingĂ©nieurs polyvalents, triĂ©s sur le volet.

Par chance, les soubresauts de la crise financiĂšre n’ont eu qu’un impact limitĂ© sur le niveau de son activitĂ© grĂące Ă  la diversification de ses donneurs d’ordre. Son chiffre d’affaires qui gravitait autour de 23 millions de dollars au cours des trois derniĂšres annĂ©es, est tombĂ©, cette annĂ©e, Ă  20 millions de dollars. « Dans un contexte de crise gĂ©nĂ©ralisĂ©e, notamment du crĂ©dit bancaire, nous avons rĂ©ussi Ă  maintenir notre activitĂ© Ă  un niveau trĂšs honorable, malgrĂ© le ralentissement ressenti depuis la fin 2009 », assure le jeune boss. Les projets Ă©tant, pour la plupart, planifiĂ©s sur trois ans, la chute de la demande est palpable depuis quelques mois Ă  peine. Quoi qu’il en soit, les commandes de la ville de New York ont continuĂ© Ă  affluer grĂące Ă  l’injection de fonds de soutien de l’Etat fĂ©dĂ©ral.

L’effondrement des tours

Dans la foulĂ©e, quand on demande Ă  SaĂąd Zouak si les attentats du 11 Septembre 2001 ont eu un impact nĂ©gatif sur ses affaires ? «Pas du tout ! » reconnaĂźt-il spontanĂ©ment. En rĂ©alitĂ©, le plus gros marchĂ© qu’ait jamais remportĂ© le cabinet Airtek concerne le World Trade Center, aprĂšs la destruction des deux tours. « Nous avons Ă©tĂ© dĂ©signĂ©s par la ville de New York, en tant que cabinet indĂ©pendant, pour Ă©valuer le degrĂ© de toxicitĂ© des produits chimiques pulvĂ©risĂ©s sous forme de poussiĂšre tout autour de la zone d’effondrement des tours », explique Zouak. Ce vaste chantier aura concentrĂ© les efforts d’Airtek durant huit annĂ©es consĂ©cutives pour les prĂ©lĂšvements et analyses de l’air, Ă  la fois sur le site et en laboratoire. ParallĂšlement, des mesures d’urgence ont Ă©tĂ© prises avant la dĂ©molition des immeubles mitoyens qui Ă©taient affectĂ©s par la poussiĂšre toxique, afin d’éviter sa propagation. « Des millions de dollars ont Ă©tĂ© dĂ©bloquĂ©s pour assurer le suivi des opĂ©rations et la prise en charge des personnes contaminĂ©es », affirme le PDG d’Airtek.

Surfant sur la sĂ©vĂ©ritĂ© de la rĂ©glementation qui impose diverses Ă©tudes d’impact avant l’octroi de crĂ©dit ou d’autorisation de construire ou mĂȘme de vente de logements, le cabinet new-yorkais a rĂ©ussi Ă  dĂ©velopper une expertise confirmĂ©e dans l’évaluation environnementale des sites et des sols, l’hygiĂšne industrielle et les sciences des bĂątiments. Parmi les activitĂ©s en forte croissance, la certification des bĂątiments verts qui est non seulement exigĂ©e par les banques et la ville de New York mais qui constitue un argument marketing de poids pour les promoteurs immobiliers. « De plus en plus, il nous est demandĂ© de mener des Ă©tudes sur la qualitĂ© de l’air Ă  l’intĂ©rieur de chaque appartement avant sa livraison. Celle-ci constitue un des Ă©lĂ©ments dĂ©terminants dans la fixation du prix de vente. » Autre axe de dĂ©veloppement majeur : les plans d’hygiĂšne industrielle, de santĂ© et de sĂ©curitĂ© des travailleurs.

Transfert de savoir-faire

Mais la mission d’Airtek ne se limite pas Ă  assurer des prestations et Ă  dĂ©livrer des certificats comme l’exige la rĂ©glementation. Pour faciliter le transfert de savoir-faire, le cabinet met un centre de formation Ă  la destination de ses clients
 et mĂȘme de ses concurrents. « Il y a de la place pour tout le monde et le plus important pour nous est de fidĂ©liser nos clients. » Serein, SĂąad Zouak sait que son secteur est protĂ©gĂ© par une barriĂšre Ă  l’entrĂ©e qui est d’ordre rĂ©glementaire. Pour exercer et dĂ©livrer les certificats, les cabinets doivent ĂȘtre agrĂ©Ă©s par l’Etat de New York. Autant dire que ces derniers se comptent sur les doigts de la main. En attendant, le fondateur d’Airtek nourrit de sĂ©rieuses ambitions Ă  l’international, en particulier dans la rĂ©gion du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord oĂč il entend intervenir pour la premiĂšre fois en 2011. Devinez oĂč sera implantĂ©e sa plateforme rĂ©gionale ? A Casablanca bien sĂ»r. La boucle est bouclĂ©e.

Mouna Kably

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