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MalĂ©diction des villes nouvelles Nouveau bras de fer Ă  Sahel-Lakhyayta
Actuel n°61, samedi 18 septembre 2010
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L’affaire General Contractor à peine close, voilà qu’Al Omrane s’engage dans une nouvelle bataille d’expropriation au profit d’une ville nouvelle.


***

La tension monte Ă  Sahel-Lakhyayta. Depuis quelques mois, ces deux communes rurales de la province de Settat, situĂ©es Ă  quelque 20 kilomĂštres de Casablanca, sont agitĂ©es par les apprĂ©hensions des habitants. En cause, le projet de ville nouvelle de Sahel-Lakhyayta, pilotĂ© par Al Omrane, prĂ©vu sur 1 200 hectares pour offrir 38 000 logements qui accueilleront 180 000 habitants.

Pour mobiliser le foncier nĂ©cessaire Ă  la deuxiĂšme tranche du projet, une procĂ©dure d’expropriation est enclenchĂ©e. Le projet de dĂ©cret d’expropriation « pour utilitĂ© publique » est publiĂ© au Bulletin officiel du 16 juin dernier. Plusieurs propriĂ©taires terriens seront donc expropriĂ©s d’ici peu. L’ensemble des superficies concernĂ©es est rĂ©parti entre trois communes rurales : Ouled Jamaa, Khdara et Laassilat. Mais, c’est la commune de Ouled Jamaa qui concentre l’essentiel des terres ciblĂ©es par l’expropriation. Au total, l’on parle d’une superficie globale de 1 200  hectares dont 900 hectares, propriĂ©tĂ© des Domaines, qui doivent ĂȘtre libĂ©rĂ©s. Le reste appartient au privĂ©. De plus, Al Omrane compte acquĂ©rir 300 hectares supplĂ©mentaires auprĂšs du privĂ©, en prĂ©vision d’une future extension. « Le holding a l’accord des Domaines pour l’acquisition des 927 hectares et l’arrĂȘtĂ© de cession est dĂ©jĂ  signé », assure Sayfeddine Kharchafi, directeur gĂ©nĂ©ral de la filiale Al Omrane Sahel. Mais pour libĂ©rer ces terres, ce sera une autre paire de manches. En effet, il s’agit de convaincre les locataires agraires qui les exploitent du bien-fondĂ© de l’argument « utilitĂ© publique ». La tĂąche s’avĂšre ardue, reconnaissent les dirigeants de la filiale qui ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© confrontĂ©s aux mĂȘmes difficultĂ©s au moment de la mobilisation du foncier pour le premier pĂŽle. Par ailleurs, Al Omrane doit intĂ©grer une nouvelle donne : le secteur vient d’ĂȘtre ouvert Ă  l’urbanisation et les habitants comme les exploitants savent que la valeur des terrains montera en flĂšche. Sans oublier les propriĂ©taires terriens rĂ©calcitrants Ă  l’idĂ©e de cĂ©der leurs terres. Et pour cause, nombre d’entre eux planchent actuellement sur des projets d’investissement susceptibles d’ĂȘtre rĂ©alisĂ©s sur leurs propriĂ©tĂ©s (voir encadrĂ© ci-dessous).

La population s’accroche

Sur place, la population, constituĂ©e majoritairement de petits agriculteurs, dĂ©nonce l’expropriation et s’accroche Ă  ses terres. « Nous avons toujours vĂ©cu et travaillĂ© ici. Nous n’avons aucune autre ressource que cette terre [...] Nous ne voyons pas pourquoi on l’abandonnerait pour un avenir incertain », se plaint un propriĂ©taire qui doit cĂ©der 51 hectares. Un autre, octogĂ©naire, qui a toujours vĂ©cu dans la rĂ©gion, au douar Ouled Jamaa, s’oppose Ă  tout projet d’expropriation et assure refuser toute indemnisation. « Il est hors de question d’abandonner notre terre. Quel avenir pour un vieillard comme moi ? A mon Ăąge, comment pourrais-je me convertir Ă  une autre activité ? », s’interroge-t-il, dĂ©pitĂ©. MĂȘme inquiĂ©tude exprimĂ©e par son jeune voisin qui vient de dĂ©crocher une autorisation pour monter une petite unitĂ© d’aviculture : « Je ne maĂźtrise pas de mĂ©tier autre que l’élevage ou la petite agriculture. SpoliĂ© de ma terre, mon projet tombe Ă  l’eau », constate-t-il amer.

Des montants jugés indécents

Le sort de A. K., porteur d’un projet d’agriculture, est encore plus Ă©loquent. Alors que ses 5,5 hectares de vignobles, plantĂ©s il y a trois ans, commencent tout juste Ă  porter leurs fruits, il se retrouve contraint de tout abandonner. Ses terrains sont Ă©galement frappĂ©s par l’expropriation. « Pourquoi nous autorise-t-on Ă  investir et Ă  nous endetter si, quelques annĂ©es plus tard, l’on nous oblige Ă  tout cĂ©der ? OĂč est-ce que je puiserai l’énergie pour monter Ă  nouveau un autre projet ? » s’interroge-t-il. PropriĂ©taires et habitants des douars ne dĂ©colĂšrent pas lorsque sont Ă©voquĂ©s les montants, jugĂ©s indĂ©cents, de l’indemnisation Ă  percevoir en cas d’expropriation. Certaines rumeurs l’évaluent Ă  35 dirhams le mĂštre carrĂ©. Or, la valeur du terrain agricole dans la rĂ©gion varie entre 500 et 600 dirhams le mĂštre carrĂ© contre 200 dirhams avant l’annonce d’expropriation. De plus, depuis le changement de statut de ces terres, suite Ă  l’ouverture Ă  l’urbanisation, les prix sont montĂ©s en flĂšche. Selon des sources sur place, le lot de terrain coĂ»te, aujourd’hui, entre 3 500 et 5 000 dirhams le mĂštre carré ! Et les surenchĂšres ne font que commencer


Toutefois, il faut prĂ©ciser que la plupart des terres ne sont pas immatriculĂ©es, et qu’une bonne partie fait l’objet de litiges d’hĂ©ritage, de dĂ©limitation des frontiĂšres et parfois de plusieurs hypothĂšques. Ce qui incite certains spĂ©culateurs, y compris « de hauts responsables », Ă  procĂ©der aux achats de ces terrains pour les revendre plus tard, au prix fort, Ă  l’Etat, confie-t-on. Du cĂŽtĂ© d’Al Omrane, l’on affirme que l’expropriation sera effectuĂ©e dans les rĂšgles. « Il n’est pas question de mettre les gens Ă  la rue, ni de les spolier de leurs terres. Des discussions seront ouvertes pour trouver des terrains d’entente », assure le directeur gĂ©nĂ©ral d’Al Omrane Sahel. Il prĂ©cise que les dossiers seront traitĂ©s « au cas par cas » pour veiller au bon dĂ©roulement de l’opĂ©ration d’expropriation. « On ne forcera la main Ă  personne. Au contraire, nous veillerons Ă  ce que l’opĂ©ration se fasse Ă  l’amiable et dans les meilleures conditions possibles. » Et de rappeler que le projet de ville nouvelle prĂ©voit, entre autres, des logements Ă  140 000 dirhams pour reloger les habitants des douars. PiĂštre consolation pour ces ruraux habituĂ©s aux grands espaces. Bien entendu, en cas de litige et si la proposition de l’expropriant n’est pas acceptĂ©e, les propriĂ©taires ont le droit d’intenter une action en justice. En attendant, les propriĂ©taires concernĂ©s ne doivent procĂ©der Ă  aucun amĂ©nagement ni construction dans les zones en question. Dans les deux camps, on sait que l’attente risque d’ĂȘtre longue.

Khadija El Hassani

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