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DĂ©bat OĂą sont passĂ©s les laĂŻcs?
actuel n°131, vendredi 2 mars 2012
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Les voix laïques marocaines se font moins audibles depuis l’émergence

du mouvement du 20-FĂ©vrier. Ce qui fait douter du poids du camp moderniste.

Alors épiphénomène ou véritable courant de société ?

 

Les islamistes font désormais les gros titres de la presse qui s’interroge sur leur degré de solubilité dans la démocratie. L’on s’inquiète de l’émergence de « comités populaires » qui commencent à faire la loi dans plusieurs quartiers et petites villes. Le dossier des salafistes et leur projet de créer un nouveau parti retiennent l’attention également, et l’on s’interroge sur la manière de solder les exactions subies en prison et les procès iniques. En quelques jours, le nouveau gouvernement islamiste du PJD a interdit trois publications étrangères, au motif de « personnification de Dieu et de son prophète ».

 Certaines voix salafistes s’élèvent mĂŞme pour rĂ©clamer la charia, et des islamistes comme ceux d’Al Adl Wal Ihsane sont plus puissants que jamais, après avoir fait Ă©talage de leur domination dans les manifestations du 20-FĂ©vrier. Des partis comme le PAM et certaines associations ont joint leurs forces pour diluer leur prĂ©sence dans la marche de solidaritĂ© avec la Syrie, Ă  laquelle a appelĂ© la Jamâa le dimanche 26 fĂ©vrier.

Ainsi, le débat autour des idées islamistes et leur présence dans les médias sont plus que jamais prépondérants, tandis que le camp moderniste semble dans une posture bien défensive.

 

Culture « sale » et culture « propre »

Avant le Printemps arabe, le débat public sur le jeûne pendant le ramadan, la liberté de culte et les libertés individuelles, était bien plus vif, et inquiétait les islamistes. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Mustapha El  Khalfi, actuel ministre de la Communication, avait signé un éditorial du quotidien Attajdid, dont il assurait la direction, pour marquer son soulagement après le retrait de la mention de « liberté de conscience » de la nouvelle Constitution. Il avait salué la « responsabilité » des partis de gauche qui n’avaient pas insisté sur la question, et en avait conclu que l’impact des idées du camp laïque était largement amplifié par les médias.

 Les dĂ©fenseurs de la laĂŻcitĂ© et du modernisme sont-ils pour autant vaincus ? Un manifeste rĂ©digĂ© par plusieurs journalistes et intellectuels laĂŻques permet d’en douter. Ils s’y Ă©lèvent contre un courant qui veut promouvoir la « culture propre » : une culture censĂ©e ĂŞtre plus respectueuse de la spĂ©cificitĂ© de la culture musulmane conservatrice de la sociĂ©tĂ©. « Il n’est pas question, sous quelque prĂ©texte que ce soit, d’envisager une quelconque restriction de nos espaces de libertĂ©. Il n’est pas question de cĂ©der Ă  la montĂ©e d’une certaine intolĂ©rance.

 Il n’y a pas et il ne peut y avoir de culture propre, ni d’art propre », peut-on lire sur le site de la pĂ©tition  culturelibre.ma. Cela marque-t-il le rĂ©veil des Ă©lites modernistes laĂŻques ou s’agit-il d’un baroud d’honneur ? « Si les islamistes sont très actifs dans ce genre de dĂ©bats et qu’ils dĂ©fendent leurs convictions, le camp laĂŻque et progressiste prend peu d’initiatives pour dĂ©fendre ses positions. Cela se limite Ă  des discussions de salon, quelques articles ici et là », s’inquiète la journaliste et dĂ©fenseuse de libertĂ©s individuelles Sanaa El Aji.

 

Etat civil ou religieux ?

Pourtant, le public est friand de ce débat, comme le prouve le succès d’une table ronde organisée le 13 février à l’IAV de Rabat, entre le salafiste Mohamed Fizazi et le philosophe amazigh Ahmed Assid.

 Â«â€‰Il y avait beaucoup de monde, beaucoup de jeunes, et cela montre qu’il y a un grand intĂ©rĂŞt pour la question de la laĂŻcitĂ©. Malheureusement, les partis restent Ă  l’arrière-garde du prochain dĂ©bat de sociĂ©tĂ© qui se posera aux Marocains : le choix entre l’Etat civil et l’Etat religieux », confirme Nizar Bennamate, jeune du 20-FĂ©vrier et militant pour les libertĂ©s individuelles, qui a suivi le dĂ©bat.

 A l’heure oĂ» Assid explique que les laĂŻcs ont Ă©tĂ© les premiers Ă  dĂ©fendre les salafistes injustement emprisonnĂ©s, tout en vantant l’universalitĂ© des valeurs laĂŻques, et leur respect des religions, Fizazi estime pour sa part que la laĂŻcitĂ© met en pĂ©ril « l’unitĂ© religieuse », et affirme que le Printemps arabe est « l’œuvre des musulmans et non des laĂŻcs ».

 Les islamistes ont toujours entretenu l’amalgame entre l’athĂ©isme et la laĂŻcitĂ© qui prĂ©conise en rĂ©alitĂ© « la neutralitĂ© de l’Etat envers la religion, et donc sa sauvegarde et son respect », comme nous l’explique Abdelhamid Amine, vice-prĂ©sident de l’AMDH, la première association marocaine Ă  avoir inclus la laĂŻcitĂ© dans ses objectifs.

 

Gauche conservatrice

Abdelhamid Amine rappelle le caractère sensible de cette revendication qui déplaît selon lui aux islamistes mais aussi à l’Etat lui-même. « Quand l’AMDH a ouvert le débat sur cette question en mai 2010, il y a eu une levée de boucliers générale. On a voulu nous dénigrer pour escamoter le débat en faisant l’amalgame avec notre position sur la question du Sahara », explique le militant.

 Il estime qu’il y a aussi un « intĂ©grisme d’Etat qui ne peut ĂŞtre d’accord avec la laĂŻcitĂ© Ă  cause du concept de la commanderie des croyants ». Pire, « les modernistes, et Ă  leur tĂŞte les fĂ©ministes, se cachent derrière la commanderie des croyants comme ultime rempart, oubliant de contrer l’intĂ©grisme religieux », conclut-il. Pourtant, au fond, « sĂ©cularisme » et « commanderie des croyants » ne sont pas incompatibles, comme le dĂ©montre l’exemple de la monarchie britannique…

 Les partis politiques ne sont guère plus courageux. A l’heure ou en Tunisie les forces modernistes sont ouvertement laĂŻques, nos gauchistes, qui le sont de facto, mettent en sourdine cette revendication de peur de heurter le sentiment gĂ©nĂ©ral et perdre ainsi des voix. Seul Annahj Addimocrati, petite formation d’extrĂŞme gauche, se revendique du sĂ©cularisme tandis qu’un parti comme le PSU entame Ă  peine la rĂ©flexion sur cette question.  Il en est de mĂŞme de la gauche gouvernementale reprĂ©sentĂ©e par l’USFP et le PPS qui ne veulent pas en entendre parler officiellement, prĂ©fĂ©rant le concept « d’islam modĂ©rĂ© Ă  la marocaine » pour contrer le conservatisme.

 

(RĂ©)veil des consciences

« C’est malheureusement vrai. Les partis progressistes sont parfois plus conservateurs que les conservateurs eux-mêmes, et cela est dû à la faillite de l’expérience gauchiste arabe qui a transformé l’islamisme en alternative puissante », nous explique Oussama Khlifi, membre du 20-Février. Le mouvement contestataire est lui-même resté prudent sur la question : les forces de gauche qui le composent n’ont commencé à mettre clairement en avant cette question qu’après le départ des adlistes.

Ce débat émerge enfin au 20-Février et l’on a constaté, lors des manifestations marquant le premier anniversaire du mouvement, la multiplication des revendications pour l’Etat civil et l’égalité entre les sexes.

 Les fĂ©ministes montent aussi au crĂ©neau sur le thème de l’égalitĂ©, laissant prĂ©sager que le dĂ©bat pourrait bientĂ´t sortir de sa lĂ©thargie. « Cette dernière dĂ©cennie, le camp moderniste a arrachĂ© des acquis mais s’est depuis reposĂ© sur ses lauriers. On commence Ă  peine Ă  se rĂ©veiller et des premiers contacts sont en train de se nouer entre les modernistes », nous affirme l’intellectuel Ahmed Assid.

 Ce dernier plaide pour « un dĂ©bat profond avec les islamistes pour qui la dĂ©mocratie s’apparente Ă  "une dictature de la majoritĂ© et se limite aux scores des urnes sans les valeurs d’égalitĂ© et de justice qui vont avec" ». Les prochains mois devraient donc montrer le poids rĂ©el du camp laĂŻque et son impact sur les dĂ©bats de sociĂ©té…

Mais encore faudrait-il qu’ils soient visibles et représentés. Pas une association, ou un collectif, ne les rassemble... alors que de l’autre côté, on envisage la création d’un parti salafiste.

Zakaria Choukrallah

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