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Le Niqab et nous
actuel n°34, samedi 13 février 2010
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La polĂ©mique sur le voile intĂ©gral dĂ©chaĂźne les passions en France. Le Maroc n’échappe ni Ă  cette « tendance » ni au dĂ©bat qu’elle suscite. Le point.

Le niqab, que les Français assimilent Ă  la burqa afghane, est l’objet, depuis plusieurs semaines, de controverses passionnĂ©es dans l’Hexagone. Ce qui a mis le feu aux poudres ? La proposition, en juin 2009, d’un dĂ©putĂ© communiste de crĂ©er une « commission d’enquĂȘte sur la pratique du port de la burqa et du niqab sur le territoire national ». La mission parlementaire constituĂ©e, la polĂ©mique s’est enclenchĂ©e, dans le sillage du fameux « dĂ©bat sur les valeurs de la RĂ©publique ». Finalement, le 26 janvier, la commission a rendu un rapport prĂ©conisant la promulgation d’une loi, qui, pour des raisons essentiellement sĂ©curitaires, obligerait hommes et femmes Ă  « pĂ©nĂ©trer Ă  visage dĂ©couvert dans les services et les transports publics ».

Trois jours aprĂšs, le Premier ministre a renchĂ©ri et demandĂ© au Conseil d’État de plancher sur des « solutions juridiques » pour parvenir Ă  une interdiction « la plus large et effective possible » du voile intĂ©gral, relançant un dĂ©bat qui n’est pas prĂšs de s’éteindre. Surtout aprĂšs le braquage d’une banque en banlieue parisienne, le 6 fĂ©vrier dernier, par deux voleurs recouverts d’un niqab !

Il ne laisse personne indifférent

Évidemment, chez nous, il s’en faut de beaucoup pour que le niqab dĂ©chaĂźne les passions de cette maniĂšre. Pourtant, depuis un peu plus d’une dizaine d’annĂ©es, avec le dĂ©veloppement au Maroc des doctrines salaïŹstes et wahabites, une petite minoritĂ© de femmes a adoptĂ© ce voile noir qui les recouvre entiĂšrement, ne laissant apparaĂźtre que les yeux. Et il ne laisse personne indiffĂ©rent. « Prison, aliĂ©nation, aberration » sont des termes que l’on retrouve, dans la bouche de nos compatriotes, pour dĂ©crire le niqab, des termes souvent suivis d’un « l’islam, ce n’est pas ça ».

Une opinion partagĂ©e par nos oulĂ©mas, nos leaders politiques et religieux (voir encadrĂ©). Pour Nadia Yassine, « le port du niqab n’a rien Ă  voir avec le dogme. C’est d’abord une tradition arabe qui n’a pas Ă©tĂ© abolie par le ProphĂšte par respect pour les us et coutumes qui prĂ©valaient dans la sociĂ©tĂ© avant l’islam. AprĂšs, une certaine jurisprudence s’en est emparĂ©e, pour s’en servir comme moyen de pression sur la sociĂ©tĂ© et surtout, sur les femmes. » La porte-parole du mouvement islamiste Al Adl Wal Ihsane prĂ©cise nĂ©anmoins ne pas vouloir « stigmatiser les femmes qui le portent, au nom des libertĂ©s publiques, et au mĂȘme titre que les femmes sont libres de porter une minijupe ».

Mais si une partie de la population rĂ©prouve sans Ă©quivoque « les ninjas », beaucoup expriment un avis plus nuancĂ©. Fatiha Mejjati, qui porte le niqab depuis 1995 raconte que « cela se passe trĂšs bien, alors que je vis dans un quartier rĂ©sidentiel oĂč nous ne sommes pas nombreuses Ă  le porter. Avec le temps, les gens se sont habituĂ©s : je prends des taxis, le bus, je fais mes courses... Bien sĂ»r, on me regarde et parfois, on s’exclame ‘‘un corbeau !’’, mais en gĂ©nĂ©ral on me respecte ». En fait, nombre de Marocains, invoquant es libertĂ©s individuelles, et surtout l’islam, n’y trouvent rien Ă  redire, tout en refusant, en mĂȘme temps, l’éventualitĂ© de le porter ou de le faire porter Ă  leurs mĂšre, femme ou sƓurs, arguant souvent : « C’est un style importĂ©, il n’a rien Ă  voir avec nos traditions. » D’ailleurs, selon le sociologue Jamal Khalil, c’est aussi pour cette raison que l’on remarque autant les femmes qui portent le niqab. « Beaucoup de femmes plus ĂągĂ©es s’habillent Ă  l’ancienne, portant djellaba et neggab qui les couvrent entiĂšrement, mais elles sont moins singularisĂ©es, parce que c’est dans l’ordre de nos traditions. »

Il n’est acceptĂ© qu’en surface

Ainsi, les Marocains, sans condamner le port du voile intĂ©gral, ne l’ont pas assimilĂ©, contrairement au hijab qui est pourtant Ă©galement « importĂ© ». Pour Jamal Khalil, ce serait notamment parce que « Ă©conomiquement, socialement, le niqab ne mĂšne nulle part. La femme qui le porte ne trouve pas de travail (ou Ă  domicile) et peut difïŹcilement Ă©tudier. Il faut donc qu’elle soit prise en charge par son mari, sa famille
 » Une considĂ©ration aussi terre-Ă -terre qu’efïŹcace, et qui explique en partie, selon le sociologue, que son port ne soit pas plus rĂ©pandu dans les milieux dĂ©favorisĂ©s.

Une rĂ©alitĂ© Ă  laquelle se heurte Fatiha Mejjati qui n’arrive pas Ă  trouver de travail, « malgrĂ© de longues Ă©tudes », et qui ajoute en soupirant : « Je voudrais vivre dans une sociĂ©tĂ© oĂč les femmes sont libres de vivre leur religion. C’est pour cela que je suis allĂ©e en Afghanistan. » Il semblerait donc que le niqab ne soit acceptĂ© qu’en surface, pour ne froisser aucune sensibilitĂ© musulmane, mais que, somme toute, une ïŹn de non-recevoir polie est adressĂ©e Ă  ses partisans. De la rĂ©sistance passive, en quelque sorte.

Amanda Chapon

L’avis d’Ahmed Abaddi, SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de La Rabita Mohammadia des OulĂ©mas.

Les textes religieux sont clairs et prĂ©cisent que le visage et les mains peuvent apparaĂźtre. (Verset 24 « Et dis aux croyantes (
) de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraĂźt. ») Le visage n’est pas un territoire banni : dans l’islam la femme n’est pas considĂ©rĂ©e comme un objet de dĂ©sir, mais comme une Ăąme, un esprit, une personne Ă  part entiĂšre. Les compagnons du ProphĂšte, et le comportement de ses femmes, AĂŻcha, Mimouna, Hafsa, accrĂ©ditent ce fait. Ainsi, pour Abd Allah ibn Abbas, et aussi pour Abdallah ben Omar, frĂšre de Hafsa et l’un des plus orthodoxes compagnons du ProphĂšte, couvrir le visage et les mains n’est pas nĂ©cessaire.

Autre preuve que le port du niqab n’est pas une obligation religieuse : lors du pĂšlerinage Ă  La Mecque pour ĂȘtre en « ihram » la femme doit dĂ©couvrir son visage et ses mains. Et si elle refuse, elle doit payer une caution, une sorte de pĂ©nalitĂ©. Il y a donc un Ă©ventail de preuves qui convergent vers cette conclusion : le niqab relĂšve de la tradition, pas de la religion.

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