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Tous coupables ? L’exemple vient d’en haut ! 
Actuel n°91, samedi 23 avril 2011
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Vous rêvez de devenir pilote de ligne ? Direction Bombay ou New Delhi ! Il vous suffira d’un peu moins de 100 000 dirhams discrètement distribués pour vous assurer une licence de pilote tout à fait officielle qui vous permettra de proposer vos services à n’importe quelle compagnie.


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Vous envisagez d’aller faire quelques affaires en Russie ? Ne désespérez pas ! Vous échapperez peut-être aux 183 enquêteurs, juges, procureurs et avocats, ou aux 227 responsables politiques qui ont été condamnés en 2010 pour corruption. Bombay ? Moscou ? Ne vous réjouissez pas trop vite…

« Qu’ils aillent tous en prison ! » Non, ce n’est pas le cri du cœur d’un vingtfévrieriste à l’occasion d’une marche à Rabat, Casablanca ou Tanger.

« Qu’ils aillent tous en prison », c’est la réaction spontanée d’un Ahmed Réda Chami, ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies, devant un parterre de représentants des milieux d’affaires, à Paris, alors qu’il était interrogé sur les pratiques auxquelles sont régulièrement soumis les investisseurs étrangers en quête de marchés ou d’implantation au Maroc.

De Bombay à Paris, de Moscou à Casablanca, de Shanghai à Alger, Sao Paulo ou Bamako, l’affaire est entendue : le monde entier regorge de prédateurs – petit chef de bureau, élu local, employé de ministère, agent bancaire, agent de la fonction publique, directeur… – qui, usant d’une plus ou moins grande parcelle de pouvoir, imposent à leurs interlocuteurs cette « participation commerciale accessoire » si chère au continent africain.

Que ceux qui n’ont jamais été confrontés, fût-ce au niveau le plus modeste, à une requête à peine voilée se manifestent ! D’une demande de crédit à son banquier à la délivrance d’une carte grise, de l’achat d’un terrain à bâtir à l’acquisition d’une villa, de la « bienveillance » d’un gradé à l’accélération d’un dossier, d’une sortie en douane au petit geste à l’égard d’un juge…

Il n’est guère ici de démarches quotidiennes ou de décisions majeures qui ne comportent le versement discret d’une enveloppe ou d’un virement plus conséquent. Aucun pays n’y échappe, même si nos voisins du Grand Nord – du Canada à la Scandinavie – ont érigé d’excellentes pratiques dont il serait bon que le reste du monde s’inspire.

Des conséquences dramatiques

Mais que dire du comportement récurrent de certains hommes d’affaires qui – forts de pouvoir négocier avec de puissantes relations une discrète amnistie de complaisance, à tout le moins, une amende symbolique – tolèrent lors de transactions commerciales, quand ils ne les suscitent pas, des pratiques de corruption généralisées au sein même de leurs entreprises ?

Il n’est ainsi pas anodin que le Maroc, avec une note de 3,4 sur 10, figure parmi les pays les plus corrompus. D’où la 85e place qu’il occupe fidèlement (sur 178 pays analysés) dans le classement de Transparency International. Et les conséquences dramatiques pour son développement.

Pris isolément, chaque manquement à la loi peut apparaître sans grand enjeu. Aux yeux du corrupteur, comme du corrompu. Analysée au rythme des transactions quotidiennes soumises à infraction, la corruption se révèle endémique. Et génératrice de graves dysfonctionnements.

Lorsque la corruption prend, ici, au plus haut niveau du milieu des affaires, l’ampleur que chacun connaît (et reconnaît volontiers en privé), elle ne constitue pas seulement un crime à l’égard de la collectivité ou une entorse à des valeurs pourtant volontiers portées en étendard, elle pénalise durablement la croissance économique, aggrave la dégénérescence du tissu social, balaie les meilleures intentions de « bonne gouvernance » largement revendiquées !

La corruption a un coût. Politique. Economique. Social. Et en ce printemps où souffle le vent de la réforme, c’est bien – en tout lieu – la démocratie qui s’en trouve entravée. A ce jeu malsain, corrupteur ET corrompu sont bel et bien tous deux coupables. n

Henri Loizeau

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