Tout les oppose. L’un n’a pas vraiment fait d’études ; l’autre est passé par le Collège royal. Le premier est patient, il a passé sa vie à tisser ses réseaux, à étendre son emprise sur une ville, à prendre le contrôle d’un syndicat en attendant de s’attaquer au parti. Le second est pressé, il a créé un mouvement qui est devenu le parti marocain de référence dès son premier scrutin. Tout les oppose donc. Mais tout les rassemble, tant ils se ressemblent. Leur commune ambition n’a d’égal que leur aptitude à occuper le terrain médiatique en dosant les provocations avec doigté. Quand l’un ose évoquer la légalisation du cannabis, l’autre n’hésite pas à tenter d’instaurer la prohibition de l’alcool. Des positions extrêmes qui se rejoignent dans le même élan populiste pour plaire qui, aux paysans du Rif, qui, au petit peuple fassi. Tout les unit. Y compris un certain talent à susciter la crainte.

Demandez à des Fassis en vue de Rabat, de Casa… ou de Fès de réagir aux dernières sorties de Chabat, vous obtiendrez au mieux des propos policés, au pire un mutisme persistant. Réclamez un avis sur Fouad Ali El Himma, si votre interlocuteur n’est pas PJD, vous récolterez le même discours convenu, le même silence gêné. Seul Chabat a le courage de s’attaquer à l’homme des Rhamna et il ne s’en prive pas dans ce numéro. On ne prête qu’aux riches et ces deux-là ont assurément une infl uence qui dépasse leur pouvoir. À première vue, on pourrait cependant croire qu’un simple maire qui contrôle un syndicat mais pas (encore) un parti n’a pas l’envergure pour affronter un homme qui sait tirer profi t de son passé, de ses amitiés d’enfance et d’un poste stratégique à l’Intérieur, pour se promettre un bel avenir. Mais Chabat n’est pas qu’un simple maire. Il est LE maire. Il incarne sa ville comme aucun politique n’a réussi à le faire avant lui.

Il a une maîtrise tentaculaire de Fès, des yeux et des oreilles partout. Il réussit à s’approprier ce qui n’est pas de son ressort. Il est capable de faire croire qu’il est à l’origine de tous les embellissements et modernisations de sa ville même quand les décisions et les fi nancements relèvent d’autres autorités. Il ne lui restait plus qu’à se prévaloir de prérogatives qui ne lui incombent pas pour jouer le Superman politique. C’est désormais chose faite avec sa « fatwa » contre l’alcool. Et ce n’est pas aux poivrots qu’il s’attaque, mais aux tracteurs. Le PAM est le seul parti à menacer son pouvoir absolu en ville. Il sera donc le seul à oser affronter le parti de FAH. Ses déclarations dans actuel cette semaine le positionnent comme l’homme qui a le courage de résister à celui que tout le monde redoute. Chabat ne pliera pas l’échine aussi facilement qu’un Mansouri. Quoiqu’il s’en défende dans nos colonnes, il fait ainsi le jeu d’El Himma qui veut bipolariser la vie politique entre progressistes et conservateurs.

Mais le paradoxe n’est qu’apparent. Avoir pour seul adversaire Benkirane décrédibilise FAH et transforme sa coalition hétéroclite en néo koutla de république bananière. Le tribun de la plèbe, Chabat, est d’une autre carrure. Ce qui les oppose les unit. En prime, Chabat braconne sur les terres des barbus tout en étant étonnamment modéré à leur égard. S’il pilonne le PAM, il préserve ses possibles futurs alliés. En s’érigeant en gardien de la vertu, mollah Chabat phagocyte le PJD, victime collatérale de choix d’un duo infernal. Et voilà pourquoi Fouad Ali El Himma et Hamid Chabat ont intérêt à devenir les meilleurs ennemis du monde.

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