EditoNouvelle GénérationDossierEconomiePolitiqueSociétéTendances & CulturePortraitBdVDiaporamaArchives
 
Follow actuel_maroc on Twitter
Follow actuel_maroc on Twitter
MĂ©decine La libĂ©ralisation de la discorde
actuel n°53, samedi 26 juin 2010
| More

De nouveau à l’ordre du jour, la révision de la loi régissant la profession suscite l’ire des syndicats de médecins. Analyse.

***

Longtemps mise en suspens, la réforme de la loi 10-94 régissant l’exercice de la médecine est de nouveau à l’ordre du jour au ministère de la Santé. Le projet est désormais bouclé. Avant toute entrée dans le circuit d’approbation au Parlement, la ministre de tutelle, Yasmina Baddou, a cru bon, à juste titre, d’en (re)discuter avec les principaux concernés : les médecins, regroupés au sein de huit syndicats du public, du privé et de la médecine universitaire. C’est ainsi que des correspondances leur ont été envoyées la semaine dernière, explicitant le bien-fondé et les détails de la nouvelle loi.

Mal lui en a pris. Contestant la non-implication des médecins du secteur public dans ces consultations et jusqu’à la langue française utilisée exclusivement dans les correspondances envoyées par le ministère, les syndicats se préparent à une réponse collective, rejetant catégoriquement les nouvelles dispositions. Ainsi l’histoire se répète. Le 30 mai 2009, et à l’issue d’un colloque national sur la question, un collectif de vingt-six syndicats et ONG, plus ou moins impliquées dans les problématiques liées à la santé, était déjà monté au créneau pour dénoncer à l’unanimité cette réforme. Aujourd’hui, Yasmina Baddou invoque une « nécessaire refonte du cadre législatif en raison de l’évolution de la pratique médicale ». Celle-ci s’inscrit d’ailleurs dans son plan d’action 2008-2012.

La réforme proposée est basée sur trois éléments fondamentaux : adapter la loi aux mutations du système de santé, faire en sorte que la profession évolue au rythme de l’environnement international et rendre le système plus attractif pour l’investissement. Et c’est là où le bat blesse. Trois dispositions font particulièrement débat, dont l’une n’est autre que le droit qu’auront désormais des investisseurs, marocains ou étrangers, n’appartenant pas à la profession, de créer des projets de cliniques.

Libéralisation du secteur

Pour la première fois, le ministère de tutelle entend ainsi séparer l’investissement de l’exercice de la médecine. Une mesure censée ouvrir le secteur à des investissements plus conséquents, dans des cliniques comme dans de grands cabinets où l’on retrouve plusieurs spécialités. Les médecins ne l’entendent pas de cette oreille. « Nous refusons tout simplement la marchandisation de la médecine dans ce pays. Permettre à des investisseurs non-médecins d’ouvrir des cliniques, c’est sortir la médecine du cadre du droit et la placer dans le marché de l’offre et de la demande. D’autant que celle-ci est régie d’abord par des règles éthiques et un serment auquel un non-médecin n’est, par définition, pas tenu », argue Mohammed Naciri Bennani, président du Syndicat des médecins du secteur libéral.

Médecin renommé, architecte entre autres de l’AMO (Assurance maladie obligatoire) et spécialiste en économie de la santé, Abdeljali Alami Greft ne partage pas ce point de vue. « La libéralisation du secteur des cliniques est inéluctable. Les médecins ne peuvent garder le monopole indéfiniment. La santé est un secteur de plus en plus capitalistique et il est normal que l’investissement soit dissocié des conditions d’exercice de la profession qui doit cependant garder son indépendance. »

Autre disposition, l’introduction de la notion du salariat médical dans les cliniques. « Cela revient à en faire une machine au service du diktat du patron qui non seulement ne connaît rien à la médecine mais qui sera dans une logique de réductions des coûts qui peut facilement se traduire par des coupes dans les achats de matériel médical et les actes médicaux. Au détriment de la santé du patient », dit le syndicaliste. À cette crainte, Alami Greft oppose les garanties que doivent présenter les contrats types à signer entre l’employeur et le médecin et qui doivent, là encore, offrir toutes les assurances d’indépendance des praticiens. « Le visa du conseil de l’Ordre des médecins me semble être un excellent garde-fou », propose-t-il.

Last but not least, le ministère de tutelle propose d’introduire plus de souplesse dans le recrutement au sein du secteur public, et pour l’exercice dans le privé de médecins étrangers au Maroc.

Aujourd’hui, la règle est que seuls les médecins ayant des conjoints marocains ou résidant sur place peuvent exercer dans le privé, ainsi que les médecins ressortissant de pays avec lesquels le Maroc est lié par des accords de réciprocité. La disposition se veut un moyen de pallier les carences dont souffre le système de santé en matière de médecins et de spécialistes. Le Maroc compte en effet 1 médecin pour 2 000 habitants alors que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) stipule un minimum de 1 médecin pour 1 000 habitants.

DĂ©ficiences nationales

Comparer, c’est se rendre compte des déficiences nationales. L’Algérie compte 1 médecin pour 600 habitants. La Tunisie en compte 1 pour 800 et la France 1 pour 255. « Dans le public, cette mesure ne gêne pas dans la mesure où tout médecin est sous le contrôle d’un chef de service. Mais comment voulez-vous évaluer les compétences d’un médecin privé ? Comment s’assurer que l’exercice de la médecine est protégé dans ce cas ? », s’interroge Naciri Bennani.

Il cite en exemple des pays comme la France où un médecin étranger est soumis à un concours d’évaluation avant d’être autorisé à exercer par l’Ordre des médecins. « La moindre des choses aurait été d’appliquer cette règle », suggère-t-il. Pour se défendre des attaques dont il fait l’objet, le ministère de la Santé pointe du doigt un corporatisme latent qui freine la modernisation du système de santé au Maroc. « Tout ce que nous voulons, c’est défendre notre profession. On a bien libéralisé l’enseignement. Qui peut aujourd’hui se permettre de placer son enfant dans une école privée sauf les nantis ? Dans le même ordre d’idée, qui pourra, si cette révision a effectivement lieu, se permettre une consultation ou un acte dans la Générale de la Santé ? », s’interroge notre médecin. Et de proposer : « Au lieu d’amener des investisseurs et des médecins étrangers, on devrait peut-être commencer par accorder aux Marocains les mêmes facilités, soit des terrains à prix symboliques, des crédits conséquents, une défiscalisation des médicaments et des exonérations sur l’importation du matériel médical. C’est cela qui permettra aux 5 000 médecins marocains exerçant à l’étranger de revenir au Maroc, et offrira aux autres les garanties d’investir tout le territoire national et toute la population. »

Le différend semble donc important entre le ministère (resté injoignable pour notre enquête) et les syndicats de médecins. C’est à l’évidence un nouveau bras de fer qui attend Yasmina Baddou. Un bras de fer pour lequel les médecins envisagent le soutien de nombreuses ONG, y compris celles des droits de l’Homme. Mais nul n’ignore que la ministre de la Santé ne manque pas de détermination.

Tarik Qattab

| More
Archives SociĂ©tĂ©
N°172 : L’art des mets 
N°171 : Sidi Taibi : Trou noir du Maroc  
N°170 : Azul Amazigh  
actuel N°169 : High-tech : Dessine-moi une appli 
N°168 : Kafala : La croix et la... circulaire  
N°167 : IdentitĂ©: Amazigh United  
N°166 : ADM Value : TĂ©lĂ©opĂ©rateurs du cĹ“ur  
N°164/165 : Droit Ă  l’information : La loi du silence  
N°163 : Tanger : BĂ©ni Makada, la frondeuse  
N°162 : DĂ©bat : L’homme n’est pas l’avenir de la femme  
N°161 : Caritatif : La rentrĂ©e des enfants handicapĂ©s  
N°160 : Casablanca, rĂ©novation du MarchĂ© central : Les effets collatĂ©raux
N°159 : Trafic de voitures : Le luxe depuis l’Italie  
N°158 : RentrĂ©e scolaire : Le changement, c’est pour quand ? 
N°157 : TĂ©moignages : Gaza vue par ses fils  
N°155 : Au royaume des trolls 
N°154 : Iguider, l’arbre qui cache la forĂŞt 
N°152 : Attention chiens mĂ©chants 
N°151 : London calling… Qui dĂ©crochera ? 
N°150 : Prison : L’enfer Oukacha  
N°149 : Abdellah Nahari : Le cheikh du buzz  
N°148 : Agadir Busway, le tram alternatif  
N°147 : Droits humains : Sale temps pour les immigrĂ©s  
N°146 : Ne faites pas entrer l’accusĂ© 
N°145 : Emploi : L’insoluble crise du chĂ´mage  
N°144 : Droits humains Ramid ou ONG : qui dit vrai ? 
N°143 : Casablanca American School :  la guerre est dĂ©clarĂ©e
N°142 : Ici Radio Coran 
N°141 : Cahiers des charges, une nouvelle polĂ©mique
N°140 : L’hypnose peut soigner 
N°139 : Entretien avec Mohamed El Maâzouzi 
N°138 : Noor : Â«â€‰J’en ai marre ! »
N°137 : Bienvenue dans l’enfer d’Aarich 
N°136 : Entretien avec Jean Zaganiaris 
N°135 : Affaire #FreeEzzedine : Le dernier souffle d’un condamnĂ©
N°134 : Don d’organes   Comment sauver des vies
N°133 : Province d’Al HoceĂŻma   Casseurs en uniforme
N°132 : Controverse   Au commence ment Ă©tait le MUR…
N°131 : DĂ©bat OĂą sont passĂ©s les laĂŻcs?
N°130 : ONDA  Fait divers ou vengeance ?
N°129 : Le retour du lèse-majestĂ© 
N°128 : 20 FĂ©vrier, An 1 :  GĂ©nĂ©ration insoumise
N°127 : Bassima Hakkaoui   « Pourquoi ne pas soumettre l’avortement Ă  rĂ©fĂ©rendum ? »
N°126 : MĂ©dias   La rĂ©forme, maintenant !
N°125 : J’ai testĂ© pour vous,  le Parc zoologique de Rabat
N°124 : CAN 2012,   Remettez-nous ça !
N°123 : RĂ©seaux sociaux :  Au royaume du blog
N° 122 : 20 dirhams par jour   et par personne
N°121 : Double meurtre Ă  Khouribga 
N° 120 : Boursiers FME :   PrĂŞts pour l’ascenseur social !
N°119 : A quoi sert le CNDH 
N°118 : RĂ©fugiĂ©s:   Le dĂ©sarroi des rapatriĂ©s de Libye
N°117 : Au TEDx :  se bousculent les idĂ©es
N°116 : DĂ©chets industriels :  faites comme chez vous...
N°115 : Manifestations :  le M20 dans l’œil du cyclone
N°114 : La dĂ©prime   des homos marocains
N°113 : Entretien avec Dr Chaouki Alfaiz  directeur de recherche Ă  l’INRA et prĂ©sident de B1A Maroc
N°112 : Les salades   c’est tendance
N°111 : Entretien avec Abdelaziz Adidi Les phosphates n’ont profitĂ© Ă  aucune rĂ©gion
N°111 : Khouribga  De la richesse Ă  la pauvretĂ©
N°111 : Les rĂ©voltĂ©s   du phosphate
N°110 : Violence Que se passe-t-il Ă  Dakhla
N° 109 : Harley Davidson on the bitume 
N°108 : Autopsie d’une mort absurde 
N°107 : Protection des animaux Ain Sebaa : le degrĂ© zĂ©ro des zoos  
N° 106 : Interview Hicham El Moussaoui Le Marocain s’est (enfin) libĂ©rĂ©
N° 104/105 : Web TV Yek, pourquoi pas 
N°103 : Capdema Des jeunes qui proposent et en imposent  
actuel 102 : Militantisme La nouvelle vie de Chakib El Khiyari  
actuel 101 : Ramadan et frustrations 
N°100 : Portail de presse Tout n’est pas Net  
N°99 : Portrait MRE et politique  Le plaidoyer de Driss Ajbali
N° 98 : Oussama Assaidi La nouvelle star  
N° 97 : Faut-il lĂ©galiser le cannabis 
N° 96 : SantĂ© : Les blouses blanches font leur rĂ©volution  
N° 95 : Centre secret de TĂ©mara :  Tu ne pique-niqueras point
Actuel n°94 : Constitution : Ou sont les femmes  
N°93 : Rachid Niny LibertĂ© : Chouf Tchouf 
Actuel n°92 : Razzia sur notre histoire 
Actuel n°91 : Du rififi chez les architectes 
Actuel n°90 : Frimija : Avec les rouges dans le fromage  
Actuel n°89 : Il faut sauver le militant Chakib 
Actuel n°88 : Printemps marocain : Des instances et des questions 
Actuel n°87 : Qui veut la peau de Terrab 
Actuel n°86 : Le 20 mars de toutes les craintes 
Actuel n°85 : Souk Sebt : La mort, ultime cri de dĂ©sespoir 
Actuel n°84 : Dakhiliyines contre Sahraouis 
Actuel n°82 : Voleuse de voyageuses 
Actuel n°81 : Qui contrĂ´le nos mĂ©dicaments ? 
Actuel N°72 : Feuilletons historiques : La dĂ©ferlante iranienne  
Actuel n°69-70 : Eric Gerets 
Actuel n°68 : Syndicats : ras-le-bol gĂ©nĂ©ral 
Actuel n°67 : Gerets vs presse : ouverture des hostilitĂ©s 
Actuel n°66 : Collecte des dĂ©chets : faut-il enterrer la gestion dĂ©lĂ©guĂ©e ?
Actuel n°65 : Mon mari, ce tortionnaire 
Actuel n°64 : Code de la route, une semaine après !
Actuel n°63 : Code pĂ©nal : rĂ©forme ou rĂ©formette ? 
Actuel n°62 : Fès, la citĂ© de la peur 
Actuel n°61 : Les Amazighs roulent-ils pour IsraĂ«l ? 
Actuel n°60 : Oualidia, le palais oubliĂ© de Mohammed V
N°59 : Le Mali « dĂ©-jeĂ»ne » sur Facebook 
N°58 : Mariages : du tradi au plus trendy 
N°57 : RAM Ras-le-bol de ramer
N°56 : Travail domestique : de l’ordre Ă  la maison 
N°55 : Enseignement supĂ©rieur privĂ©, un cadre pour la rĂ©ussite
N°54 : Menace terroriste : Faut-il avoir peur ? 
N°53 : MĂ©decine La libĂ©ralisation de la discorde
N°52 : Espagne La fièvre anti-niqab monte
N°51 : Radio   Peur sur les ondes
N°50 : Argent, drogue et politique Liaisons très dangereuses
N°49 : Femmes cĂ©libataires, le grand dilemme 
N°48 : Botola  La fin de l’amateurisme
N°47 : Le Maroc, cyberparadis des hackers 
N°46 : Sexe Ă  la marocaine,  entre hram et hchouma
N°45 : Le (contre) bilan de santĂ© de Baddou 
N°44 : Pourquoi les homos font peur 
N°43 : Chefchaouen,  Ă©co-ville Ă  la conquĂŞte de l’oued
N°42 : Tremblement de terre :  Les sismologues veillent sur nous
N°41 : Changements climatiques, Ce qui nous attend...
N°40 : Demain, un Maroc laĂŻque ? 
N°39 : Francophonie ? Cacophonie 
N°38 : Malek Chebel L’anti Ramadan
N°37 : Cyclisme Les gloires oubliĂ©es de la « petite reine »
N°36 : MosquĂ©e de Meknès  Un drame et des questions
N°35 : Drogue Le baron fait tomber de grosses pointures
N°34 : Le Niqab et nous
N°33 : Internet Peut mieux faire!
N°32 : Code de la route Les enjeux d’un dĂ©brayage
N°31 : Environnement Ce que nos VIP en pensent
 
 
actuel 2010 Réalisation - xclic
A propos Nous contacter