EditoNouvelle GénérationDossierEconomiePolitiqueSociétéTendances & CulturePortraitBdVDiaporamaArchives
 
Follow actuel_maroc on Twitter
Follow actuel_maroc on Twitter
Emploi : L’insoluble crise du chĂ´mage  
actuel n°145, vendredi 8 juin 2012
| More

Le chômage explose, surtout chez les jeunes. Employeurs et politiques semblent désarmés face à une situation appelée à s’aggraver davantage. Sommes-nous arrivés au point de rupture ?

 

La Tunisie a basculé dans un processus révolutionnaire quand Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant qui s’était retrouvé au « chômage technique », s’est donné la mort. La symbolique du « martyr » et la fronde populaire qui s’en est suivie – en particulier chez les jeunes – ont révélé la fragilité économique du pays, et notamment son incapacité à créer de nouveaux emplois. « Je vous ai compris […] j’ai compris les chômeurs… », avait lancé Ben Ali, signant là un terrible aveu d’échec, quelque temps avant sa capitulation.

Le feuilleton du Printemps arabe a certes prouvé que la situation du Maroc était différente de celle de la Tunisie, mais on gagnerait sans doute à ne pas vouloir ignorer plus longtemps l’impact que pourrait avoir un chômage endémique sur la stabilité et l’avenir du Royaume. La Banque mondiale a publié le 14 mai dernier un rapport qui a jeté un véritable pavé dans la mare : près de 30% des jeunes Marocains âgés entre 15 et 29 ans sont au chômage. Pire, 49% de nos jeunes ne sont ni à l’école ni au travail. Et encore, ledit rapport a été élaboré avant les révolutions et l’aggravation de la crise de l’euro qui impacte l’économie marocaine.

« Ce rapport montre que les jeunes ont été mis à l’écart des opportunités dont certains secteurs de l’économie nationale ont bénéficié », explique Gloria La Cava, la spécialiste des sciences sociales à la Banque mondiale qui a dirigé le rapport. Cette experte estime ainsi que l’explosion du chômage des jeunes « est susceptible d’exacerber les risques de conflit et d’accentuer l’instabilité, notamment lorsque les opportunités économiques et les moyens d’expression font défaut ».

 

Les entreprises n’embauchent plus

La cascade d’indices inquiétants ne s’arrête pas là. Les conclusions du rapport de la Banque mondiale sont corroborées par les enquêtes menées par le haut-commissariat au Plan (HCP), l’organisme officiel de mesures statistiques du Royaume. Le rapport sur la « situation du marché du travail » révèle ainsi que le taux de chômage est passé de 9,1% à 9,9% au premier trimestre 2012. Le nombre de chômeurs est passé de 1 037 000 à 1 130 000, soit 93 000 chômeurs de plus.

Autre conclusion : les augmentations des salaires n’ont pas stimulĂ© la consommation intĂ©rieure. Et la situation devrait encore s’aggraver. Le HCP prĂ©voit une augmentation nette du nombre des chĂ´meurs de 10 889 en 2013, de 36 700 en 2014 et de 66 000 en 2015.  Le marchĂ© de l’emploi est donc moribond, comme nous le confirme Jamal Belahrach, directeur gĂ©nĂ©ral de la franchise Manpower au Maroc, qui a enregistrĂ© une baisse « sensible » des offres d’emplois. « Les entreprises vivent dans l’incertitude et estiment que la politique du gouvernement manque de clartĂ©. Elles s’inquiètent aussi de l’impact de la crise internationale. Elles retardent les recrutements dans tous les secteurs », explique-t-il, tout en prĂ©cisant que les plans de recrutements qui sont Ă©laborĂ©s actuellement favorisent les cadres expĂ©rimentĂ©s Ă  la recherche d’un nouveau poste et rarement les profils de jeunes diplĂ´mĂ©s.

« L’enquĂŞte nationale sur les jeunes » publiĂ©e le 1er juin par le HCP confirme le malaise. Elle explique que la jeunesse marocaine est inquiète pour son avenir. Le taux de chĂ´mage chez les 18-45 ans (sic) est en moyenne de 12% (17% dans les villes et 5% dans les campagnes). Le taux de chĂ´mage  grimpe Ă  18% pour les 18-24 ans. L’absence de revenus explique ainsi que 54% des « jeunes » habitent encore avec leurs familles, et ce jusqu’à l’âge de 45 ans !

 

« Ecouter » les chiffres

Mis bout à bout, ces chiffres signifient-ils que nous sommes au bord de l’implosion ? Ahmed Lahlimi Alami, haut-commissaire au Plan, qui prévoit que « le chômage augmente encore plus », ne va pas jusque-là, même s’il tire discrètement la sonnette d’alarme. « L’enseignement du Printemps arabe est que la pauvreté et le chômage provoquent des émeutes mais ne déclenchent pas de révolutions. Les populations voulaient s’exprimer et ont d’ailleurs refusé la violence. Les indicateurs statistiques ne font qu’attirer l’attention, le défi maintenant est d’aller voir les gens et de les écouter », nous explique-t-il. Il sous-entend implicitement que la situation risque de s’envenimer si jamais l’exécutif « n’écoute » pas ce que disent les chiffres.

« Le plus surprenant est que l’on soit encore surpris par ces chiffres », s’étonne pour sa part l’économiste et statisticien Mehdi Lahlou, pour qui le chômage constitue depuis des années la principale source d’inquiétude. « Même quand le HCP disait que tout allait bien en 2007, la réalité est que les données n’étaient pas fiables. Le taux de chômage était masqué par une croissance tirée par l’agriculture et les investissements extérieurs. La réalité est que l’argent entrait et repartait et cela n’avait pas un réel effet sur l’activité économique. »

« Si on ajoute à cela l’échec des programmes gouvernementaux comme Moukawalati, la baisse des investissements directs étrangers (IDE) et les transferts en devises en berne des MRE, on arrive à la régression dans la création d’emplois que l’on connaît actuellement. La réforme constitutionnelle n’a pas réussi à estomper le climat d’incertitude auquel sont venues s’ajouter l’incompétence du gouvernement et la crise de la zone euro », s’insurge Mehdi Lahlou.

 

Une politique globale

Cet attentisme (incompĂ©tence ?) du gouvernement  Benkirane est aussi dĂ©noncĂ© par l’opposition et les syndicats. Ceux-ci ont d’ailleurs exprimĂ© leur ras-le-bol Ă  l’occasion de la « marche de la dignité » organisĂ©e le 27 mai dernier Ă  Casablanca sous les bannières de la FDT et de la CDT.

Larbi Habchi, membre du bureau de la FDT (Fédération démocratique du travail, proche de l’USFP) et du groupe fédéral à la deuxième Chambre, relève un autre point qui, selon lui, a également contribué au climat d’incertitude général. « Les appels d’offres publics ont tardé à être lancés à cause du retard pris dans l’adoption de la loi de Finances 2012. Cela a impacté les entreprises qui travaillent avec le public, et s’est naturellement répercuté sur l’emploi. »

Abdelkader Zayer, secrétaire général adjoint de la CDT appelle, lui, à un « programme économique global » qui englobe l’alphabétisation, l’adéquation des formations avec le marché et une politique industrielle pour sortir de l’impasse.

Dans sa déclaration gouvernementale, Abdelilah Benkirane espérait baisser d’un point le chômage pour le faire passer à 8%. La conjoncture, difficile, l’a plutôt alourdi d’un point et les perspectives d’avenir ne sont guère reluisantes. Arrivera-t-on à inverser la vapeur avant que la pression de la rue ne s’exprime plus vigoureusement ? C’est le défi auquel se trouve confronté le Maroc, tous acteurs confondus.

Zakaria Choukrallah

| More
Archives SociĂ©tĂ©
N°172 : L’art des mets 
N°171 : Sidi Taibi : Trou noir du Maroc  
N°170 : Azul Amazigh  
actuel N°169 : High-tech : Dessine-moi une appli 
N°168 : Kafala : La croix et la... circulaire  
N°167 : IdentitĂ©: Amazigh United  
N°166 : ADM Value : TĂ©lĂ©opĂ©rateurs du cĹ“ur  
N°164/165 : Droit Ă  l’information : La loi du silence  
N°163 : Tanger : BĂ©ni Makada, la frondeuse  
N°162 : DĂ©bat : L’homme n’est pas l’avenir de la femme  
N°161 : Caritatif : La rentrĂ©e des enfants handicapĂ©s  
N°160 : Casablanca, rĂ©novation du MarchĂ© central : Les effets collatĂ©raux
N°159 : Trafic de voitures : Le luxe depuis l’Italie  
N°158 : RentrĂ©e scolaire : Le changement, c’est pour quand ? 
N°157 : TĂ©moignages : Gaza vue par ses fils  
N°155 : Au royaume des trolls 
N°154 : Iguider, l’arbre qui cache la forĂŞt 
N°152 : Attention chiens mĂ©chants 
N°151 : London calling… Qui dĂ©crochera ? 
N°150 : Prison : L’enfer Oukacha  
N°149 : Abdellah Nahari : Le cheikh du buzz  
N°148 : Agadir Busway, le tram alternatif  
N°147 : Droits humains : Sale temps pour les immigrĂ©s  
N°146 : Ne faites pas entrer l’accusĂ© 
N°145 : Emploi : L’insoluble crise du chĂ´mage  
N°144 : Droits humains Ramid ou ONG : qui dit vrai ? 
N°143 : Casablanca American School :  la guerre est dĂ©clarĂ©e
N°142 : Ici Radio Coran 
N°141 : Cahiers des charges, une nouvelle polĂ©mique
N°140 : L’hypnose peut soigner 
N°139 : Entretien avec Mohamed El Maâzouzi 
N°138 : Noor : Â«â€‰J’en ai marre ! »
N°137 : Bienvenue dans l’enfer d’Aarich 
N°136 : Entretien avec Jean Zaganiaris 
N°135 : Affaire #FreeEzzedine : Le dernier souffle d’un condamnĂ©
N°134 : Don d’organes   Comment sauver des vies
N°133 : Province d’Al HoceĂŻma   Casseurs en uniforme
N°132 : Controverse   Au commence ment Ă©tait le MUR…
N°131 : DĂ©bat OĂą sont passĂ©s les laĂŻcs?
N°130 : ONDA  Fait divers ou vengeance ?
N°129 : Le retour du lèse-majestĂ© 
N°128 : 20 FĂ©vrier, An 1 :  GĂ©nĂ©ration insoumise
N°127 : Bassima Hakkaoui   « Pourquoi ne pas soumettre l’avortement Ă  rĂ©fĂ©rendum ? »
N°126 : MĂ©dias   La rĂ©forme, maintenant !
N°125 : J’ai testĂ© pour vous,  le Parc zoologique de Rabat
N°124 : CAN 2012,   Remettez-nous ça !
N°123 : RĂ©seaux sociaux :  Au royaume du blog
N° 122 : 20 dirhams par jour   et par personne
N°121 : Double meurtre Ă  Khouribga 
N° 120 : Boursiers FME :   PrĂŞts pour l’ascenseur social !
N°119 : A quoi sert le CNDH 
N°118 : RĂ©fugiĂ©s:   Le dĂ©sarroi des rapatriĂ©s de Libye
N°117 : Au TEDx :  se bousculent les idĂ©es
N°116 : DĂ©chets industriels :  faites comme chez vous...
N°115 : Manifestations :  le M20 dans l’œil du cyclone
N°114 : La dĂ©prime   des homos marocains
N°113 : Entretien avec Dr Chaouki Alfaiz  directeur de recherche Ă  l’INRA et prĂ©sident de B1A Maroc
N°112 : Les salades   c’est tendance
N°111 : Les rĂ©voltĂ©s   du phosphate
N°111 : Entretien avec Abdelaziz Adidi Les phosphates n’ont profitĂ© Ă  aucune rĂ©gion
N°111 : Khouribga  De la richesse Ă  la pauvretĂ©
N°110 : Violence Que se passe-t-il Ă  Dakhla
N° 109 : Harley Davidson on the bitume 
N°108 : Autopsie d’une mort absurde 
N°107 : Protection des animaux Ain Sebaa : le degrĂ© zĂ©ro des zoos  
N° 106 : Interview Hicham El Moussaoui Le Marocain s’est (enfin) libĂ©rĂ©
N° 104/105 : Web TV Yek, pourquoi pas 
N°103 : Capdema Des jeunes qui proposent et en imposent  
actuel 102 : Militantisme La nouvelle vie de Chakib El Khiyari  
actuel 101 : Ramadan et frustrations 
N°100 : Portail de presse Tout n’est pas Net  
N°99 : Portrait MRE et politique  Le plaidoyer de Driss Ajbali
N° 98 : Oussama Assaidi La nouvelle star  
N° 97 : Faut-il lĂ©galiser le cannabis 
N° 96 : SantĂ© : Les blouses blanches font leur rĂ©volution  
N° 95 : Centre secret de TĂ©mara :  Tu ne pique-niqueras point
Actuel n°94 : Constitution : Ou sont les femmes  
N°93 : Rachid Niny LibertĂ© : Chouf Tchouf 
Actuel n°92 : Razzia sur notre histoire 
Actuel n°91 : Du rififi chez les architectes 
Actuel n°90 : Frimija : Avec les rouges dans le fromage  
Actuel n°89 : Il faut sauver le militant Chakib 
Actuel n°88 : Printemps marocain : Des instances et des questions 
Actuel n°87 : Qui veut la peau de Terrab 
Actuel n°86 : Le 20 mars de toutes les craintes 
Actuel n°85 : Souk Sebt : La mort, ultime cri de dĂ©sespoir 
Actuel n°84 : Dakhiliyines contre Sahraouis 
Actuel n°82 : Voleuse de voyageuses 
Actuel n°81 : Qui contrĂ´le nos mĂ©dicaments ? 
Actuel N°72 : Feuilletons historiques : La dĂ©ferlante iranienne  
Actuel n°69-70 : Eric Gerets 
Actuel n°68 : Syndicats : ras-le-bol gĂ©nĂ©ral 
Actuel n°67 : Gerets vs presse : ouverture des hostilitĂ©s 
Actuel n°66 : Collecte des dĂ©chets : faut-il enterrer la gestion dĂ©lĂ©guĂ©e ?
Actuel n°65 : Mon mari, ce tortionnaire 
Actuel n°64 : Code de la route, une semaine après !
Actuel n°63 : Code pĂ©nal : rĂ©forme ou rĂ©formette ? 
Actuel n°62 : Fès, la citĂ© de la peur 
Actuel n°61 : Les Amazighs roulent-ils pour IsraĂ«l ? 
Actuel n°60 : Oualidia, le palais oubliĂ© de Mohammed V
N°59 : Le Mali « dĂ©-jeĂ»ne » sur Facebook 
N°58 : Mariages : du tradi au plus trendy 
N°57 : RAM Ras-le-bol de ramer
N°56 : Travail domestique : de l’ordre Ă  la maison 
N°55 : Enseignement supĂ©rieur privĂ©, un cadre pour la rĂ©ussite
N°54 : Menace terroriste : Faut-il avoir peur ? 
N°53 : MĂ©decine La libĂ©ralisation de la discorde
N°52 : Espagne La fièvre anti-niqab monte
N°51 : Radio   Peur sur les ondes
N°50 : Argent, drogue et politique Liaisons très dangereuses
N°49 : Femmes cĂ©libataires, le grand dilemme 
N°48 : Botola  La fin de l’amateurisme
N°47 : Le Maroc, cyberparadis des hackers 
N°46 : Sexe Ă  la marocaine,  entre hram et hchouma
N°45 : Le (contre) bilan de santĂ© de Baddou 
N°44 : Pourquoi les homos font peur 
N°43 : Chefchaouen,  Ă©co-ville Ă  la conquĂŞte de l’oued
N°42 : Tremblement de terre :  Les sismologues veillent sur nous
N°41 : Changements climatiques, Ce qui nous attend...
N°40 : Demain, un Maroc laĂŻque ? 
N°39 : Francophonie ? Cacophonie 
N°38 : Malek Chebel L’anti Ramadan
N°37 : Cyclisme Les gloires oubliĂ©es de la « petite reine »
N°36 : MosquĂ©e de Meknès  Un drame et des questions
N°35 : Drogue Le baron fait tomber de grosses pointures
N°34 : Le Niqab et nous
N°33 : Internet Peut mieux faire!
N°32 : Code de la route Les enjeux d’un dĂ©brayage
N°31 : Environnement Ce que nos VIP en pensent
 
 
actuel 2010 Réalisation - xclic
A propos Nous contacter