Le tremplin est bien plus qu’une compétition, ce sont trois jours de culte musical où amateurs et professionnels se produisent devant un public des plus fervents.
C’est à l’endroit où le sang coulait à flot autrefois que le tremplin du boulevard des jeunes musiciens a établi son QG ! L’espace de trois jours, les anciens abattoirs de Casablanca se transforment en une petite ville où se côtoient jeunes et moins jeunes. Le premier jour, les t-shirts larges, hauts en couleurs, et les allures bling-bling pas toujours réussies annonçaient la journée hip-hop.
Un premier coup d’œil au tremplin, puis un tour du côté de la scène jam qui, sous ses airs conviviaux, vous invite à vous y attarder avant d’aller faire quelques emplettes au souk associatif. Les allers-retours entre les deux scènes sont tellement fréquents qu’on ne sent pas le temps passer. Et il est déjà temps de rejoindre, quelques dizaines de mètres plus loin, la scène pro qui accueille des invités venus du Maroc et d’ailleurs, non sans quelques frictions ; des vieilles rancunes entre Rbatis et Casaouis refont surface durant la prestation de l’ex-gangster Jallouta.
Grand défilé de looks
Samedi, l’esprit du tremplin est bien installé et c’est le grand défilé des looks, des plus extravagants aux plus sobres ; c’est clair, les rockeurs marocains ne manquent pas d’inspiration. Les prestations sur la scène du tremplin allument le feu chez les spectateurs, un feu que même la pluie passagère n’arriva pas à éteindre. Le groupe Old School prend les commandes et nous balance de bonnes vieilles mélodies bien thrash, un mélange de compositions et une superbe reprise de Sad but true de Metallica qui nous fera pousser la chansonnette à l’unisson, avant de finir sur l’hymne national auquel ils nous ont habitués. Le groupe Despotism reprend le fl ambeau après une longue période d’absence ; meilleur que jamais, il a repris du souffl e pour les années à venir. Après ces riffs lourds, c’est le groupe hollandais rock-folk The cosmic carnival qui calmera l’atmosphère et créera la surprise générale, faisant danser un public plutôt froid.
Un gars et... quatre filles
Enfin la clôture de la soirée reviendra à X Syndicate, ce groupe composé d’un garçon et de quatre fi lles qui n’ont rien à envier aux autres groupes 100 % masculin, tout en débordant de féminité. Dans un milieu assez machiste en général, ces fi lles ont montré qu’il n’y avait pas que les mecs qui savaient manier les instruments. On espère que nos rockeuses en prendront de la graine pour franchir cette ultime marche qui les sépare de la scène. On ne se lassera pas d’écouter de la fusion bien de chez nous, devant des groupes – certes participant au tremplin – mais toutefois d’un niveau et d’une originalité impressionnants !
Énorme foule dominicale
On court prendre place dans l’énorme foule dominicale, ça saute et ça chante de partout avec Gnawa Click, ça applaudit devant le projet de création urbaine qui réunit Amine Bendriouch aux Allemands Dissidenten. Ces derniers inviteront plusieurs artistes sur scène comme Simo de Fez city clan ou encore David Hoofer de Bizz2risk.
Ensuite vient le tour de Precious makina qui nous ont fait découvrir les premières saveurs de leur prochain album prévu pour ce printemps. L’excitation bat son plein devant l’artiste le plus attendu de ce week-end musical qui n’est autre qu’Amazigh Kateb. Il prouve encore une fois son amour pour un public qui le soutient depuis toujours, et qui l’accueille chaudement avec des applaudissements, des cris... l’accompagnant en chœur sur la plupart des morceaux. Cette édition aura mobilisé le public encore une fois, pour trois jours éphémères qui nous auront épuisés, fait perdre la voix mais qui auront rassasié notre soif musicale, au moins jusqu’à mai prochain, date du festival L’Boulevard.
And the winners are…
Après chaque compétition, il y a un gagnant, c’est la règle ! Même si le niveau cette année était très appréciable, certains ont su être originaux, d’autres ont pris du plaisir et l’ont partagé avec le public alors que quelques-uns ont été envahis par le stress. Souvent ça se joue à un fi l ! C’est pourquoi, même s’ils ne figurent pas parmi les gagnants, beaucoup d’entre eux auront marqué les esprits comme Radiolla ou encore Under Slave Authority. Mais pour gagner le fameux prix, c’est le jury qu’il fallait impressionner. Voici les groupes qui ont décroché le jackpot (20 000 dirhams pour le premier, 10 000 dirhams pour le second et l’enregistrement de deux morceaux pour les gagnants de chaque catégorie).
FUSION
Fuzz Anarouz C’est la réunion de dix musiciens de Khmisset qui a donné lieu à cette formation talentueuse, fortement inspirée des chants et des troubadours de l’Atlas. Leur premier objectif était de séduire le public puis le jury avec un mélange audacieux de musique traditionnelle et de rythmes occidentaux modernes, créant un univers propre au groupe. Le groupe Anarouz (espoir en amazigh) porte bien son nom. Avec ce premier prix du tremplin, le groupe prend un nouveau tournant dans sa carrière.
Salfa3ouss Band Ce groupe transfuge qui jouait du rock/métal, il y a quelques années, s’est trouvé une nouvelle voie dans la fusion ; un changement qui s’est révélé judicieux puisqu’ils ont raflé le deuxième prix de cette catégorie. En créant un doux mélange entre plusieurs instruments, et entre reggae et rock, le groupe aura développé un son recherché, puisé dans plusieurs influences. On espère désormais que le groupe marrakchi s’en tiendra à la world music !
ROCK
Nightologia Ces quatre musiciens de différentes nationalités ne pouvaient que remporter le premier prix puisque, dotés d’une grande expérience et d’une véritable aisance sur scène, les quadras se sont démarqués dès les premières notes. Puisant leur inspiration des sons des années 60 et 70, le groupe a déjà un album à son actif, et beaucoup de pratique ! Ce premier prix du boulevard des « jeunes » musiciens est la cerise sur le gâteau…Toutefois n’aurait-il pas été plus judicieux de les faire jouer comme invités pour éviter que leur envergure ne fasse de l’ombre à tous les autres.
Govils Le groupe gadiri vient nous rappeler que le rock/metal n’est pas limité à Casa ou à Rabat ! Bien qu’il soit passé en premier devant un public clairsemé, le groupe a démontré son professionnalisme, avec des sons tantôt rock, tantôt métal, qui donneront le coup d’envoi d’une journée riche en headbang et en sonorités. Le groupe compte profiter de son prix pour s’offrir du nouveau matériel et réenregistrer sa première démo sous le nom de Someone looking for something.
HIP-HOP
M-Boy Contrairement aux autres catégories, le hip-hop était 100 % casaoui cette année. M-boy a prouvé qu’il pouvait voler de ses propres ailes. Membre du groupe Thug Gang initialement, il a décidé de tenter sa chance en solo, en parallèle avec l’activité de sa formation. Après avoir enregistré un maxi sorti en 2007, ce premier prix est le bienvenu pour qu’il puisse mener à bien sa carrière solo. Le rappeur nous promet un album pour la fi n de 2010.
Sa3er Man Le parcours de ce rappeur n’est pas très différent de celui de M-Boy. Après avoir découvert le rap en 2004, c’est avec la formation Under Casa qu’il fera ses classes avant de décider de prendre le large comme un grand. Une audace récompensée par un deuxième prix hip-hop, qui lui sera sûrement bénéfi que puisque il est en train d’enregistrer son premier album Kaina L’i3aqa.
Meriama Moutik |