Ecrivain, philosophe, psychanalyste, docteur en mathématiques, il a à son actif plus de 30 ouvrages. Né à Marrakech, il a rendu hommage à la ville en nous offrant un roman : Marrakech le départ. Il nous a avoué qu’il aimerait que les Marocains le lisent. Et nous vous le recommandons. Cela fait 36 ans que Daniel Sibony est psychanalyste, il a bien connu Lacan. Nous retiendrons de lui ces mots empreints de sagesse : « Je suis revenu de toute illusion sans être blasé et en gardant toute ma passion de vie. »
MON PSY PRÉFÉRÉ
À part moi ? (rires). J’aimais bien Lacan, il venait à mon séminaire à Vincennes, après mai 1968 : « Topologie et interprétation des rêves ». Lacan était passionné par les gadgets mathématiques. Nous avons été amis, nous mangions souvent ensemble, et cela m’a évité d’être lacanien ou antilacanien, j’ai tout simplement pris le meilleur et évité le pire, le côté secte. J’aimais son côté adolescent. Il était intuitif, immédiat avec les êtres et avait l’art de trouver les bons mots. J’allais travailler dans sa bibliothèque, les patients rentraient dans son bureau, restaient deux minutes et payaient, un peu comme avec les marabouts d’ici. C’était son côté gourou.
MON LIVRE PRÉFÉRÉ
J’en ai deux. La Bible en hébreu et les œuvres complètes de Shakespeare. Mon ouvrage, Lectures bibliques, donne de nouvelles interprétations de la Bible. Avec Shakespeare offre une analyse des 12 grandes pièces de Shakespeare. Quand j’aime un livre, il me fait écrire. Quand mon fi ls m’a interpellé à propos de son sujet de rédaction « pourquoi lit-on ? », je lui ai répondu : « je lis des livres pour savoir ce qu’il y a dans ma tête. »
MON FILM PRÉFÉRÉ
Je préfère dire le bon fi lm que j’ai vu récemment. Le cinéma est un art temporaire. Invictus de Clint Eastwood au même titre d’ailleurs que Gran Torino sont deux bons films. Dans les deux, Clint Eastwood met en scène ce qu’est un acte symbolique. Dans Gran Torino, le personnage donne sa vie pour sauver une famille d’immigrés sans que cela soit un sacrifice, c’est un acte d’amitié de quelqu’un qui a fi ni sa vie et offre sa mort à ses amis. Dans Invictus, il met en scène Mandela qui veut trouver un symbole capable de faire crier de joie un Noir et un Blanc en même temps. Il transmet cette énergie avec un poème qui a servi à résister pendant 20 ans, un poème où il dit « merci mon dieu pour mon âme insoumise ».
MA RELIGION
J’appartiens à une tradition où on a une guerre d’amour avec Dieu. Je suis dans l’amour de l’être. Prenez les textes des trois religions, remplacez Dieu par vie et vous obtenez ma religion.
MA MUSIQUE
Bercé par la musique orientale, j’ai découvert en France le jazz, la musique classique, le rock. La musique orientale est trop parfaite, sans déchirure, comme un repas trop sucré. J’ai besoin de cassures. Je suis pour la faille dans l’harmonie. Le poinçonneur des lilas de Gainsbourg est une chanson que je fredonne souvent.
FEMMES, JE VOUS AIME
J’aime le féminin en tant qu’homme. Un homme qui ne rencontre pas, avec la femme, le féminin qui est au-delà des deux n’est pas dans le coup, sans jeu de mot bien sûr. Si je devais choisir une actrice, ce serait Isabelle Huppert ou Nicole Kidman. Ce serait une comédienne qui tout naturellement épouse la multiplicité infinie des figures du féminin. Dans mon livre de base, la Bible en hébreu, homme se dit ish et femme isha. Le couple se dit ishisha et cela signifie le feu divin, le feu de l’être. Quand il y a une rencontre forte entre un homme et une femme, le divin est convoqué pour brûler.
MES TROIS DATES
1955 Départ en France
1969 Professeur à la Sorbonne
1973 Psychanalyste
Propos recueillis par Bahaâ Trabelsi |