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Prison : L’enfer Oukacha  
actuel n°150, jeudi 12 juillet 2012
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Un rapport parlementaire accablant dresse un tableau noir de la prison casablancaise. Synthèse.

 

Oukacha est au centre de la polémique depuis la publication du rapport d’une inspection parlementaire relevant de la commission de la Justice. Un document qui dénonce la surpopulation carcérale, la violence physique et sexuelle, etc. Le rapport accuse même des responsables du pénitencier de tremper dans des trafics. « La situation est catastrophique dans la prison. Mais nous n’accusons personne », tempère Mohamed Hanine, le président de la commission. Le texte est toujours en débat et il semble qu’il y ait des dissensions entre les députés de la majorité et de l’opposition, membres de la commission, comme constaté lors de la dernière réunion tenue le 11 juillet. L’administration des prisons a de son côté réagi en rédigeant un contre-rapport dans lequel elle regrette que la commission se soit reposée essentiellement sur les déclarations de détenus et sur des sources  inconnues, sans recouper les informations avec l’administration.  Quelle sera la suite ? Le rapport devrait être envoyé au président du Parlement qui pourrait décider de le discuter en séance plénière. La justice pourrait alors se saisir du dossier. Mais les chances de suites judiciaires restent minces. Outre Oukacha, le débat sera étendu aux 60 autres prisons du Maroc qui accueillent annuellement 80 000 détenus. Le ministère des Relations avec le Parlement et la Société civile a lancé un débat national sur la situation de nos prisons où beaucoup reste à faire. Synthèse de ce rapport explosif.

 

A Oukacha, on se serre

C’est LE problème de Oukacha, duquel découle presque tous les autres. L’administration des prisons le reconnaît, même si elle assure construire à tour de bras de nouvelles ailes pour soulager la pression (à terme Oukacha sera divisée en quatre pénitentiers distincts). La prison, conçue pour 5 800 pensionnaires, accueille en réalité 7 856 prisonniers. Cela fait… 1,2 m2 par personne, au lieu de la norme internationale minimum qui est de de 9 m2 . Pire, le gros des troupes est constitué de détenus en détention provisoire à hauteur de 39% (en baisse tout de même ; en 2008, ils représentaient 46%). « Les délais d’attente de jugement peuvent aller de 1 à 5 ans dans de nombreux cas », écrivent les rédacteurs du rapport. Résultat : beaucoup de prisonniers dorment à même le sol, sous les lits... et sur des étagères ! Et les parlementaires de rappeler les drames que peut provoquer la surpopulation carcérale : en 2003, un incendie à la prison locale d’El Jadida avait causé 50 morts.

 

Les people

Oukacha accueille des « VIP ». La commission a rendu visite à deux d’entre eux : le rappeur « L7a9ed » et l’ancien patron de l’Office national des aéroports (ONDA), Abdelhanine Benallou. Tous les deux se trouvent dans une petite cellule de 6 m2 qu’ils partagent chacun avec deux autres détenus. « Les toilettes n’ont pas de porte et la cellule est sale », relève le rapport.

Autres détenus médiatiques : les salafistes. « Leurs conditions de détention ne diffèrent pas de celles des autres prisonniers. Ils souffrent aussi de surpopulation carcérale, de manque de lits et de couverture », note le rapport. Un cas a particulièrement retenu l’attention des enquêteurs : celui de B.A., arrêté en 2002 et condamné à 20 ans de prison pour son appartenance au réseau « Assirat Al Moutaqim ». Les gardiens ont déclaré aux parlementaires qu’il souffrirait de problèmes psychiques. « La place de ce détenu n’est pas en prison », recommande la commission. Sur ce point, l’administration des prisons partage l’inquiétude des rédacteurs et rejette la faute sur le manque d’hôpitaux psychiatriques.

 

Bienvenue à « Abu Dhabi »

A Oukacha, il existe un « quartier chic » surnommé par les prisonniers « Abu Dhabi ». Et comme son nom l’indique, le traitement y est pour le moins particulier. « Les grands trafiquants de drogue et les prisonniers nantis sont d’abord envoyés dans les cellules surpeuplées. Grâce à des intermédiaires, et en contrepartie d’une somme allant de 20 000 à 50 000 dirhams, ils sont transférés au quartier surnommé "Abu Dhabi". » Ces prisonniers pas comme les autres auraient droit, selon les témoignages recueillis par les parlementaires, à une promenade quotidienne de 9h à midi et d’une autre l’après-midi de 14h30 à 17h30. Alors que les prisonniers « normaux » n’ont droit, eux, qu’à une heure. Les cellules sont occupées par deux ou trois prisonniers au maximum. Autre privilège des « Dubaïotes » : des douches chaudes et quotidiennes alors que le commun des prisonniers a droit à une douche hebdomadaire froide, été comme hiver.

« Le rapport ne dit à aucun moment que ce quartier a été visité par la commission. Je n’en ai jamais entendu parler moi-même », rejette en bloc Hafid Benhachem, délégué général de l’administration des prisons et de la réinsertion.

 

Bad boys, bad girls…

Les sévices sexuels seraient monnaie courante en prison. Dans l’aile des femmes, une prisonnière a déclaré aux enquêteurs qu’elle avait été victime de viols dès son premier jour en prison. « Au début, je me demandais ce que j’avais fait pour mériter pareil traitement. Mais j’ai fini par m’habituer […] ; ça arrive plusieurs fois par jour et par nuit », a-t-elle confié aux enquêteurs.

A Oukacha, la pratique du sexe peut aussi être choisie ou monnayée en contrepartie de la protection des plus forts. L’administration des prisons n’écarte pas le fait que des agressions sexuelles puissent se produire, car il est impossible de surveiller les prisonniers après la fermeture des cellules. Mais elle affirme traiter toutes les plaintes qu’elle reçoit.

 

La « cage aux folles »

On ne s’attend pas forcément à une telle ouverture d’esprit dans la gestion des différences… Mais dans le quartier des hommes, il existe une cellule pas comme les autres  : la cellule 14, dépendant de l’aile 6. On y trouve des détenus homosexuels, habillés en femmes ! Il s’agit de professionnels du sexe, affirme les parlementaires. « La féminisation de ces prisonniers est manifeste. Ils mettent du maquillage et on croirait qu’ils jouent à des rôles déguisés », notent les rédacteurs du rapport. Les services de Benhachem affirment surveiller de près ces détenus très spéciaux..

 

Et ce n’est pas fini…

« La falaqa est administrée aux prisonniers. Ils sont frappés avec un tuyau en caoutchouc. Une autre punition consiste à demander au prisonnier de courir après avoir été fouetté sur la plante des pieds [...] La logique sécuritaire semble prédominer », s’inquiètent les enquêteurs. Les abus  seraient légion et concerneraient par exemple le droit d’envoyer des lettres, deux par mois selon le règlement. Les missives sont « détruites ou causent des problèmes à leurs rédacteurs».  Une mafia existerait même à l’intérieur de la prison. Elle vendrait des paquets de cigarettes de contrebande à 80 dirhams pièce et ferait commerce de recharges téléphoniques vendues au triple de leur prix, etc. Sur ces points, l’administration des prisons est catégorique : «Il n’y a pas de torture (et) une enquête interne a été ouverte » pour tirer au clair ces histoires de mafia...

Les enquêteurs relèvent aussi les difficultés qu’ont les prisonniers à poursuivre leurs études en raison de l’absence de manuels, de livres ou de la promiscuité. Oukacha a aussi besoin de plus de médecins, de médicaments… La liste est longue. Ce rapport choc secoue le cocotier et risque de faire encore parler de lui les prochaines semaines. Y aura-t-il des suites ou ce rapport restera-t-il lettre morte comme celui sur les prisons rédigé  en 2005 par la même commission ?

Zakaria Choukrallah

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